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In California we trust

La quatrième révolution industrielle risque de produire de nombreux perdants. C’est aussi aux Google, Facebook et autres géants du numérique d’amener des solutions.

Chaque début janvier, le petit monde de la biotechnologie se retrouve à San Francisco pour la JP Morgan Health Care Conference. Cela fait plusieurs années que j’assiste à cette grand-messe de la biotechnologie. Le rituel est toujours le même pour les quelque milliers de participants. La matinée est consacrée à l’évaluation des start-ups prometteuses qui se présentent devant des panels de capital-risqueurs dans les salons des grands hôtels de la ville; l’après-midi est occupé par les rencontres informelles; le soir par les nombreuses réceptions offertes par les grands groupes de capital-risque ou les grandes sociétés pharmaceutiques.

Tout le monde court d’un hôtel à l’autre, d’un cocktail à l’autre. Pour me rendre à mes divers meetings, je commande un Uber, les taxis ayant quasiment disparu de la ville. Leurs chauffeurs, souvent des personnes âgées, me disent devoir travailler pour survivre. Mais le plus frappant est la quantité de sans-abri que l’on croise dans les rues de la ville. Leur nombre semble augmenter chaque année. Parmi eux, beaucoup ont les yeux hagards ainsi qu’un comportement reflétant le besoin de soins psychiatriques. Le centre-ville donne l’impression d’un pays en voie de développement.

J’entends mes amis californiens louer les bienfaits de la technologie pour créer un monde meilleur. La réalité est plus nuancée: les GAFA, Facebook en tête, permettent la propagation des théories complotistes, des «fake news» et l’élection d’un président américain sur laquelle plane l’ombre de la Russie. La nouvelle administration américaine s’apprête à procéder à des coupures massives d’impôts, clamant que cela va créer de la nouvelle richesse qui bénéficiera à tous les Américains. Le scepticisme m’envahit. Comment se fait-il que, au sein même de l’eldorado de la technologie, on n’ait pas réussi à trouver une solution à ces problèmes de société illustrés de façon si criante par les sans-abri?

De façon plus générale, la société s’inquiète des conséquences sociétales induites par la quatrième révolution industrielle. Il n’est pas certain que la robotisation associée à l’intelligence artificielle entraine une perte nette du nombre d’emplois. Ceux-ci seront cependant très différents. Une très forte demande prévaudra pour les personnes maîtrisant les outils numériques: elles seront donc sous pression et devront travailler de longues heures, mais elles pourront bénéficier de salaires compétitifs.

Les laissés-pour-compte de la révolution digitale devront quant à eux aligner une multitude de petits emplois peu stimulants et mal rémunérés pour éviter de se retrouver à la rue. L’augmentation de la disparité des revenus deviendra de plus en plus criante et la marmite risque un jour d’exploser, aboutissant à une nouvelle révolution, une vraie celle-là.

Les Etats doivent rapidement trouver un nouvel équilibre entre le niveau de réglementation, la répartition des richesses ainsi que les aspirations sécuritaires de leurs citoyens sans pour autant inhiber la culture du risque et la liberté, éléments vitaux pour le développement économique florissant d’une société. Les rapides développements technologiques nécessitent que les Etats anticipent leurs conséquences sociétales et proposent des politiques d’application appropriées.

C’est de la Californie et de sa Silicon Valley que pourrait venir la solution, et ce d’autant plus qu’elle est anti-Trump et le lieu de résidence des individus les plus innovants de cette planète. In California we trust, mais dépêchez-vous!

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Patrick Aebischer, chercheur en neurosciences, a dirigé l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) de 2000 à 2016.

Ce texte a été publié initialement dans la NZZ am Sonntag. Patrick Aebischer s’y prononce régulièrement sur des questions en lien avec la digitalisation et l’innovation.