À Genève et Lausanne, les plus de 65 ans utilisent beaucoup moins les transports publics que dans les villes alémaniques. La baisse des prix des abonnements pourrait changer la donne.
En divisant les prix de ses abonnements pour les retraités par deux, le canton de Genève frappait fort en début d’année. Deux mois plus tard, plus de 13’500 personnes à l’AVS ont souscrit au pass annuel Unireso de 200 francs valable sur le réseau commun aux TPG, CFF et Mouettes. «L’enquête en cours auprès des usagers nous permettra d’en savoir plus, par exemple sur le nombre de personnes ayant pris un abonnement pour la première fois ou l’usage d’une voiture en plus, explique Rémy Burri, responsable opérationnel d’Unireso. Mais c’est déjà un joli résultat!» Vaud pourrait emboîter le pas: le Conseil d’Etat souhaite introduire dès 2026 des réductions de 50% sur les abonnements seniors Mobilis.
Les deux cantons affichent un double objectif. Il s’agit d’abord d’alléger les charges fixes des aînés, surtout au sein de la classe moyenne. «A Genève, les retraités qui touchent des prestations complémentaires bénéficiaient déjà de la gratuité», précise Rémy Burri. L’autre but est de faciliter «le transfert modal». Autrement dit, Vaud et Genève souhaitent inciter les seniors à délaisser leur voiture au profit des transports publics. Les deux capitales cantonales pourraient ainsi espérer rejoindre d’autres grandes villes helvétiques comme Lucerne et Zurich. Là-bas, 28,5% et 26,6% des distances journalières des 65 et plus sont réalisées en transports publics, contre seulement 16,4% et 16,7% pour Lausanne et Genève.
Ces décisions améliorent-elles véritablement la vie des seniors? «La population âgée pourrait gagner en qualité de vie, estime Delphine Roulet Schwab, co-responsable du Senior-Lab et professeure à la Haute école de la santé La Source (HES-SO). D’une part, la baisse de l’usage des voitures contribue à freiner le réchauffement climatique. D’autre part, l’accès à la mobilité favorise les contacts et diminue l’isolement social.»
Penser la mobilité dans son ensemble
Le coût d’un abonnement n’est toutefois qu’une des barrières d’accès aux transports publics. «L’offre dans son ensemble doit s’adapter aux besoins de la population âgée, que ce soit en matière de matériel roulant (avec des bus abaissés et des sièges adaptés par exemple), de consultation des horaires en ligne, etc.», souligne la professeure. Il est aussi important de ne pas opposer les modes de transport les uns aux autres. «Certaines personnes habitant loin d’un arrêt continueront à prendre la voiture dans leurs déplacements, tandis que d’autres auront un usage plutôt hybride avec certaines courses ou visites qui continueront à être réalisées avec un véhicule individuel.»
Une bonne communication est aussi indispensable. «Pour qu’une telle mesure fonctionne, il est important de ne pas véhiculer un message stigmatisant, en montrant l’image d’une grand-mère avec chignon blanc et canne, cite Delphine Roulet Schwab. Il faut prouver que l’on répond aux préoccupations majeures des seniors lorsqu’ils choisissent leurs moyens de transports, soit l’autonomie et la sécurité, selon les résultats de notre enquête de 2020.» A Genève, Unireso lancera en avril sa campagne d’information sur l’abonnement à moitié prix à destination des plus de 65 ans. Celle-ci sera réalisée en partenariat avec les associations et centres d’aînés, promet Rémy Burri. «Les opérateurs de notre réseau continueront aussi à proposer des ateliers pour faciliter la vie des personnes âgées lors de la planification et la réalisation de leurs voyages.» Les TPG et les CFF organisent par exemple des cours «Être et rester mobile» avec l’association ATE à Genève. Leur but: reprendre confiance dans les déplacements en train, bus et tram et s’adapter au passage au tout numérique.
Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans la Tribune de Genève et dans le 24 heures.