De plus en plus d’entreprises confient un téléphone portable à leurs employés pour leurs besoins professionnels. Une pratique à encadrer par un règlement interne pour éviter les tracas.
Une entreprise a-t-elle le droit consulter les relevés de conversations des téléphones qu’elle a fournis à ses salariés? Utiliser les fonctions de géolocalisation? Peut-on utiliser un téléphone professionnel à des fins privées? «Si aucun règlement ne stipule les modalités d’utilisation de l’appareil, les choses deviennent vite très compliquées», prévient d’emblée Mathieu Piguet, responsable du service juridique de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI).
Il n’existe pas d’obligation légale à accompagner le téléphone d’un règlement, mais cela est fortement recommandé, ne serait-ce que pour définir les limites d’utilisation: communications privées interdites, réservées aux urgences, tolérées ou admises jusqu’à un certain montant. Car sans règles explicites, l’employeur ne pourra rien exiger, précise Mathieu Piguet.
Chez Python Sécurité, une entreprise de sûreté et de surveillance basée à Lancy (GE), les modalités d’utilisation paraissent claires. «Les communications privées sont interdites, explique Christian Python, le directeur. Si un employé ne respecte pas cette mesure, il doit rembourser les frais induits et reçoit une lettre d’avertissement. A la troisième infraction, il se fait licencier.»
La société Python Sécurité dénombre 150 collaborateurs, envoyés sur divers sites pour en garantir la sûreté: manifestations, hôtels, centres commerciaux, parkings. «Lors d’une mission, le collaborateur s’enregistre à l’arrivée et au départ, avec un certain nombre de passages obligés. Dans ce contexte, nous pouvons utiliser la géolocalisation, par exemple pour envoyer une patrouille lors d’un appel urgent. C’est le véhicule le plus proche qui sera contacté», explique Christian Python, précisant que ses employés sont informés de cette forme de surveillance.
Totale transparence
Car en matière de contrôle, l’employeur doit exposer la procédure adoptée en toute transparence. La loi sur la protection des données (LPD) fait foi. Elle stipule le devoir d’informer: finalités de la surveillance, mode opératoire, sanctions éventuelles si une utilisation abusive du téléphone est démontrée.
L’employeur peut contrôler la liste d’appels de l’appareil pour tester les performances ou pour s’assurer du respect du règlement. Même si dans les faits «peu d’entre eux vont perdre du temps à le faire car cela nécessite toute une organisation», nuance Mathieu Piguet, de la Chambre vaudoise du commerce. Si la facture mensuelle explose, par exemple à cause de frais de roaming après que l’employé ait pris son téléphone portable en vacances, son supérieur procédera alors à des vérifications. Quant à la géolocalisation, elle est admise pour autant qu’elle serve à améliorer l’efficacité de l’entreprise. «Le contrôle du comportement des collaborateurs en tant que tel reste interdit», précise le juriste, s’appuyant sur la LPD.
La loi autorise l’employé à exiger à tout moment de son employeur qu’il lui communique l’usage des données le concernant. S’il apprend qu’il a été surveillé sans en avoir été préalablement averti, il peut attaquer son employeur en exigeant l’arrêt de cette surveillance et/ou des dommages et intérêts pour atteinte à sa personnalité.
En définitive, le contrôle des téléphones serait moins problématique que celui des messageries ou des sites Internet consultés pendant les heures de travail et qui font chuter l’efficacité et la productivité. «C’est plutôt l’utilisation des téléphones privés qui pose problème, constate Christian Python. Quand un client nous rapporte que notre employé passe son temps à regarder son portable, cela ne fait pas bonne impression. Et sa vigilance en matière de surveillance baisse significativement.» Un usage pourtant interdit noir sur blanc chez Python Sécurité, également soldé par une lettre d’avertissement.
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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.