KAPITAL

Stockholm, capitale européenne des start-up

Spotify, Skype, Candy Crush: quelques-unes des plus belles success stories de l’ère internet ont débuté dans la capitale suédoise. Ces réussites boostent la création de nouvelles entreprises et attirent les investisseurs.

Stockholm est réputée pour la beauté de son archipel, ses musées et cafés branchés et, bien sûr, son ouverture d’esprit. Mais ce qui a aussi attiré l’attention du monde entier ces dernières années, ce sont ses «licornes», des start-up qui ont atteint une valorisation supérieure à un milliard de dollars en un temps record. La capitale de la Suède a vu naître pas moins de cinq d’entre elles: Spotify, Skype, King (le développeur du jeu vidéo «Candy Crush»), Mojang (celui de «Minecraft») et l’entreprise de paiement en ligne cialis private prescription charges. Avec un peu moins d’un million d’habitants, Stockhom se trouve ainsi dans le top cinq des producteurs de «licornes», après, dans l’ordre, la Silicon Valley, Pékin, New York et Londres. Si l’on considère le nombre de start-up dont la valorisation dépasse un milliard de dollars par rapport au nombre d’habitants, elle se classe même en deuxième position après San Francisco, selon la société d’investissement londonienne Atomico.

Le succès de ces entreprises internet ultra-médiatisées fait des émules. «Ces réussites ont eu un énorme impact, indique Jessica Stark, la directrice de l’incubateur SUP46. Elles représentent une source d’inspiration. De nombreux entrepreneurs se disent ’S’ils ont réussi, pourquoi pas moi?’. Nous assistons à un changement d’état d’esprit. La jeune génération ose se vanter, une attitude qui ne correspond pas à la culture suédoise, et a davantage confiance en elle.» Autre évolution: alors qu’elle était longtemps fragmentée, la scène locale des start-up s’est beaucoup développée ces trois dernières années, avec une explosion du nombre d’événements et de lieux de rassemblement. «Une communauté digne de ce nom a vu le jour et acquis une belle visibilité, également à l’étranger», analyse Joseph Michael, responsable du développement de l’organisation Stockholm Business Region.

Des subventions pour le PC du salon SUP46, deux ans après sa création, se positionne comme le centre névralgique de cette nouvelle communauté high-tech. L’espace, avec ses jeunes gens munis de Mac et de pulls à capuche, ses canapés et son incontournable table de ping-pong, compte plus de 50 entreprises et organise une vingtaine d’événements par mois. Il mise sur le secteur numérique: internet, média, gaming, mobile et internet des objets. «Il s’agit de projets capables de décoller très rapidement, souligne Jessica Stark. Nous encourageons nos résidents à quitter les locaux pour voler de leurs propres ailes après une année.» FishBrain, un réseau social destiné aux pêcheurs dont l’app a déjà été téléchargée plus d’un million de fois, figure par exemple parmi ses membres.

Mais comment expliquer cette multiplication de success stories dans un pays de 9,8 millions d’habitants? Premier indice, la Suède se distingue par une longue tradition d’innovation. On lui doit, entre autres, l’invention de la ceinture de sécurité à trois points, du pacemaker ou encore de la brique de lait. Le pays consacre d’ailleurs 3,3% de son PIB à la recherche et au développement, contre 2,3% en moyenne dans les pays de l’OCDE.

Le phénomène s’appuie aussi sur une solide culture et des formations de haut niveau en ingénierie et en design. De nombreux spécialistes citent également l’attitude proactive du gouvernement, qui a octroyé des subventions aux ménages dans les années 1990 pour l’acquisition d’ordinateurs personnels, posant les bases de l’intérêt marqué des Suédois — considérés comme un peuple de ’early adopters’ — pour les nouvelles technologies. Un intérêt que certains voient renforcé par les aléas du climat. «Il fait sombre en hiver et nous passons beaucoup de temps à la maison devant un écran», sourit Jessica Stark.

Capitaux de Chine et de la Silicon Valley

Stockholm s’impose d’ailleurs comme un centre européen des nouvelles technologies particulièrement dynamique. Selon une étude de l’Université catholique de Louvain publiée en 2013, la ville compte 197’000 emplois liés au secteur — ce qui équivaut à 18% des travailleurs de la capitale, un record en Europe! Et si les innovations suédoises s’exportent, ce n’est pas en dépit de la petite taille de leur marché d’origine, mais grâce à lui. «Pour réussir, les start-up doivent ‹penser global› dès le début», poursuit Jessica Stark.

Forte de son nouveau statut, Stockholm attire non seulement l’attention des médias, mais aussi celle des investisseurs. «Mon associé et moi avions lancé une première start-up il y a six ans, raconte Annika Manns, la directrice de Mondido Payments, une jeune entreprise de paiements en ligne installée à SUP46. A l’époque, nous avions rencontré de grandes difficultés à atteindre les bonnes personnes. Depuis, l’environnement a beaucoup changé: l’argent est devenu plus accessible et nous sommes parvenus à lever plusieurs millions de couronnes de capital de départ.»

Les investissements dans les start-up suédoises ont atteint 434 millions de dollars en 2014, contre 335 millions en 2013, selon le blog spécialisé The Nordic Web. Ces fonds viennent principalement des pays nordiques. Certains des jeunes entrepreneurs qui ont fait fortune ces dernières années n’hésitent pas à réinjecter des capitaux dans de nouveaux projets.

Des obstacles législatifs et fiscaux

Mais Stockholm est désormais aussi une destination prisée des investisseurs étrangers. Ils se pressent du Royaume-Uni, des Etats-Unis et de Chine. Marta Sjögren, de Northzone, une importante société locale de capital-risque, souligne que Stockholm est même parvenue à éveiller l’intérêt de géants de la Silicon Valley, comme Sequoia Capital. «Les sommes qui affluent vers les start-up suédoises augmentent, se réjouit-elle. Il ne s’agit pas seulement de fonds, mais d’acteurs qui amènent aussi leur réseau et leur expertise.»

Des entreprises internet connues dans le monde entier, un écosystème performant et des investissements par millions: Stockholm serait-elle l’eldorado européen des nouvelles entreprises? Même si elle peut prétendre à une place sur le podium, elle rivalise encore avec Londres et Berlin. A l’instar de la plateforme de musique en ligne Soundcloud en 2007, certaines start-up suédoises choisissent en effet de s’installer à Berlin pour des questions de coûts. Pénurie de logements, loyers exorbitants, mais aussi obstacles législatifs et fiscaux sont pointés du doigt.

Un groupe d’acteurs du secteur, qui juge les politiques gouvernementales trop centrées sur les grandes entreprises, a lancé un manifeste, le «Swedish start-up manifesto», avec un but ambitieux: faire de la Suède «le meilleur environnement au monde» pour le développement de jeunes pousses. Un appel qui ne laisse pas le monde politique indifférent, selon Jessica Stark. «Les retours sont positifs. Les politiciens commencent à écouter, et à comprendre l’importance des start-up pour l’avenir du pays.»
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Une version de cet article est parue dans le magazine Swissquote (no 6/2015).