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A Parmelin, Parmelin et demi

En élisant le vigneron vaudois plutôt que le jeune Thomas Aeschi au gouvernement, l’assemblée fédérale semble vouloir s’excuser de s’être, par ailleurs, complètement aplatie devant les diktats de l’UDC.

Il l’avait dit, la veille, avec un laconisme mi-campagnard, mi-fragment présocratique: «Il se passera ce qui doit se passer.» Guy Parmelin avait donc vu juste: il s’est passé exactement ce qui devait se passer. Tant, dès le début de cette matinée électorale du 9 décembre, tout avait paru écrit d’avance.

De brillantes réélections d’abord pour tous les conseillers fédéraux sortants, signe que le deal avait été bien conclu avec l’UDC et aux conditions de l’UDC. Oubliée l’idée d’une candidature agrarienne hors sérail, ou carrément centriste.

Il s’est donc passé ce qui devait se passer: le retour à l’arithmétique pure, et de l’UDC dans la bergerie. Mais pas forcément avec l’homme attendu. Un peu partout, y compris ici, il avait été expliqué que la stratégie de l’UDC avec son «trickett» était d’utiliser deux Latins limite clowns pour mieux faire ressortir le candidat alémanique.

Au vu des résultats, on pourrait presque croire à la manœuvre inverse: présenter un candidat alémanique caricatural sur certains points — son jeune âge, son ultralibéralisme, sa kyrielle de diplômes, sa filiation directe avec Blocher — pour mieux laisser triompher le modeste Parmelin. Pourquoi lui plutôt qu’un autre dans l’esprit des dirigeants blochériens? C’est peut-être l’un des candidats écartés des primaires, le schaffhousois Hannes Germann, qui a donné la réponse: «Plus malléable».

Plus sérieusement et à voir au fil du scrutin la tête de la fille de Blocher, nouvelle élue au Conseil national et assise, comme si le diable s’en était mêlé, à côté de Thomas Aeschi, on peut penser que jusqu’au bout le jeune Zougois est resté le favori des caciques de l’UDC. Que c’est bien l’assemblée fédérale qui s’est trouvée très vite, dans les jours précédant le scrutin, en la personne de Parmelin, ce que Christophe Darbellay, l’élection faite, appela «le plus petit dénominateur commun». La chose était tellement décidée que le chef du groupe PDC Filippo Lombardi a pu ricaner devant les caméras de la RTS: «Tout le monde était au courant, sauf les journalistes.» A part le Blick quand même, qui titrait ce matin du 9 décembre en Une «Guten Morgen, Herr Parmelin».

De toute façon, avec Aeschi ou Parmelin, le résultat était le même. Ce qui devait se passer, ce que l’assemblée fédérale a décidé de laisser se passer, c’est le retour en force de l’UDC au Conseil fédéral. Une UDC qui ne va pas du jour au lendemain se transformer en un parti comme les autres. Qui ne va pas, par la baguette d’un magicien ou d’un Parmelin, abandonner subitement son positionnement en rupture totale avec la majorité des forces politiques sur des questions comme le droit international ou la libre circulation.

L’argument invoqué par le chef du groupe PLR Ignazio Cassis, expliquant qu’il fallait en finir avec l’instabilité politique que causait la sous-représentation des blochériens au Conseil fédéral, peut paraître bien spécieux. Son homologue socialiste Roger Nordmann a répliqué non sans sans raison que si instabilité il y avait eu, c’était plutôt lors du passage de Blocher au Conseil fédéral que pendant la double période Widmer-Schlumpf.

Le résultat, c’est un Conseil fédéral très à droite avec un parlement de même coloration. Ce qui faisait dire à la socialiste vaudoise Ada Marra, peu avant le verdict, qu’avec ou sans Vaudois au gouvernement on allait de toute façon «la sentir passer».

Reste que le Parlement donne la désagréable impression de n’avoir plébiscité Parmelin que pour s’excuser de s’être, sinon, plié intégralement aux diktats de l’UDC. Quitte pour s’offrir cette coquetterie à avoir sacrifié le meilleur candidat? Certains le pensent, comme le rédacteur en chef adjoint du Temps, Sylvain Besson, écrivant à chaud: «Ce profil inoffensif, voire mou, s’impose souvent lors d’élections au gouvernement… la compétence et la puissance intellectuelle sont encore une fois passées au second plan.»