LATITUDES

Les no-go zones corporelles

Les humains n’acceptent pas d’être touchés par n’importe qui, n’importe où. Des chercheurs ont cerné les «index de touchabilité» de diverses populations. Une approche précieuse alors que la Norvège et le Danemark introduisent des cours d’éducation sexuelle pour les migrants.

Un contact physique entre deux personnes n’est jamais anodin. Chacun possède sa «no-go-zone» corporelle. Qui ne la respecte pas commet un geste déplacé. De Lausanne à Hollywood, deux exemples: au soir des élections fédérales, la conseillère aux Etats vaudoise Géraldine Savary ne semblait pas particulièrement épanouie avec le bras du nouvel élu, Olivier Français, placé sur son épaule. Une scène semblable avait été observée à la dernière cérémonie des Oscars. Scarlett Johansson avait à ses côtés John Travolta enlaçant sa taille, de toute évidence sans son consentement.

Des chercheurs britanniques et finlandais ont demandé à 1368 hommes et femmes de cinq pays (Finlande, France, Italie, Russie, Royaume-Uni) de colorier les parties de leurs corps où ils acceptaient d’être touchés en fonction de la personne à l’origine de l’acte (partenaire, membre de la famille, ami, inconnu) et leurs zones taboues, leurs no-go zones. C’est la plus vaste étude réalisée à ce jour sur les contacts physiques, ce mode de communication au cœur des rapports sociaux. Elle vient d’être publiée dans la revue «cialis over counter spain».

La propension à se laisser toucher, désignée par le néologisme de «touchability index», est fortement variable. A l’exception des mains que chacun se laisse toucher sans trop de problème, les autres parties du corps contiennent des no-go zones qui diffèrent selon le sexe et l’origine des personnes. Ainsi, les hommes sont bien plus réticents au contact physique que les femmes. Un constat que les chercheurs ne commentent pas. Est-ce là le résultat d’une pression sociale ou une acceptation «naturelle»?

Côté origine, ce sont les Britanniques qui se montrent les plus frileux à l’idée d’être touchés. L’exemple vient d’en-haut! On se souvient de sa Majesté, les épaules enserrées par le bras de Michelle Obama. Elle avait alors eu un vif mouvement de recul avant de se raviser. Etonnamment, les Italiens sont moins à l’aise avec les contacts physiques que les Russes. Et, tout aussi surprenant, ce sont les Finnois qui se montrent les plus facilement «touchables». (Absente de l’étude, la Suisse voit des Suisses romands se faire volontiers trois bises alors que les Suisses allemands, prompts au tutoiement, s’embrassent avec quelque réticence.)

«La carte du toucher est très liée au plaisir qu’il procure. Plus un endroit apporte du plaisir lorsqu’on le touche, plus on est sélectif lorsqu’il s’agit d’autoriser quelqu’un à le toucher», explique Juulia Suvilehto, co-auteur de l’étude. Son collègue Robin Dunbar, souligne: «Nous interprétons le touché en fonction du contexte de la relation. Nous pouvons percevoir un contact dans une zone particulière de la part d’un parent ou d’un ami comme un geste réconfortant, tandis que le même geste d’un partenaire pourrait être plus agréable et serait tout à fait malvenu de la part d’un étranger.»

A l’heure des mélanges de populations suscités par l’arrivée de migrants en Europe, ces observations constituent une contribution à même de faciliter la compréhension interculturelle. «C’est difficile si vous venez d’un pays où les femmes ne sortent jamais. Lorsque vous voyez une fille qui danse vêtue d’une jupe courte durant une fête, quel type de message allez-vous-y voir? Il est important de rappeler aux personnes que ces comportements ou ces vêtements ne sont pas une invitation au sexe», relève Linda Hagen, à l’origine du programme norvégien d’éducation sexuelle pour les nouveaux arrivants.

Suite à des harcèlements et viols commis par des réfugiés, la Norvège (le Danemark devrait suivre) a mis sur pieds de tels cours. L’occasion de rappeler que chacun possède des no-go zones corporelles à respecter. Les enfants ont leur «On ne touche pas ici», un concept initié par le Conseil de l’Europe pour «expliquer aux enfants quels sont les endroits où on ne doit pas essayer de les toucher». Pourquoi l’entrée dans l’âge adulte rendrait-il celui-ci caduc?