TECHNOPHILE

Les nouveaux limiers électroniques

Les nez électroniques sont toujours plus efficaces: de la détection d’une maladie grave à la présence d’explosifs, l’utilisation de ces appareils sophistiqués semble prometteuse dans de multiples domaines.

Avec un peu de chance, vous n’avez peut-être encore jamais eu à souffler dans un éthylotest. Ce «nez électronique» détecte l’alcool dans votre souffle. Mais si les policiers sortent le chien renifleur, vous pourriez avoir plus d’ennuis. Celui-ci est en effet capable de déceler d’infimes traces de drogues ou d’explosifs.

La précision des nez électroniques se rapproche de plus en plus de celle des chiens. Dotés de capteurs toujours plus sophistiqués, ces appareils savent identifier un nombre croissant de substances volatiles. Leur utilisation devrait augmenter et se diversifier au cours des prochaines années.

Afin de repérer les criminels dans les aéroports, les chercheurs du projet européen Crim-Track développent un instrument qui utilise la nanotechnologie pour identifier des odeurs suspectes. Grâce à la méthode de la calorimétrie, leur nez électronique détecte la présence d’un grand nombre de composés chimiques, même à très faible concentration.

Jens Kristian Munk de la Danmarks Tekniske Universitet (DTU), qui participe à Crim-Track, souhaite que cet instrument devienne «un atout dans la lutte contre le trafic de drogues et d’explosifs». Selon lui, l’appareil pourra être «entraîné» à reconnaître n’importe quelle substance et deviendra plus fiable que les chiens. Les essais sur le terrain démarreront en 2016.

Diagnostiquer des maladies

L’identification biométrique fait partie des applications possibles du nez électronique mis au point par des chercheurs de l’Université polytechnique de Madrid (UPM). «Nous sommes désormais capables de détecter des odeurs corporelles grâce à des capteurs non invasifs, explique la chercheuse Irene Rodríguez-Luján de l’UPM. Notre nez électronique pourrait améliorer la fiabilité de techniques éprouvées, comme les empreintes digitales ou la reconnaissance de l’iris.»

Cette technologie est prometteuse: elle atteint des taux de reconnaissance de 85%. Irene Rodríguez-Luján tempère pourtant: «Nous avons encore un long chemin à parcourir pour égaler la précision des chiens.»

La recherche sur les nez électroniques porte aussi sur le diagnostic de maladies, surtout lorsque les tests existants sont chers, trop peu fiables ou impopulaires.

Le projet U-BIOPRED, financé par la Commission européenne et l’industrie pharmaceutique, a pour but de mieux comprendre les méchanismes de l’asthme sévère. Peter Sterk, physiologiste à l’Université d’Amsterdam, explique: «Notre haleine contient environ 3’000 molécules, et celles-ci varient selon le stade de la maladie. Tout comme notre propre nez, un nez électronique identifie ces mélanges plutôt que des molécules individuelles.»

Les premiers essais ont démontré que le nez électronique d’U-BIOPRED est capable d’identifier en temps réel, au chevet du patient, différents sous-types d’asthme et de prédire si une thérapie donnée sera efficace.

L’équipe met en place une «banque de souffles», que les médecins du monde entier pourront utiliser pour partager des données. Ces données alimenteront chaque nez électronique et leur permettront ainsi de reconnaître de nouveaux sous-types de maladies. Toutefois, il faut tenir compte de paramètres environnementaux: le patient vient-il de manger? Est-il fumeur?

«Ce n’est pas une solution miracle, mais nous progressons, affirme Peter Sterk. Je suis sûr que cette technologie, qui analyse en temps réel et à faible coût, sera adoptée par les médecins pour le diagnostic et le suivi de leurs patients.»

Le robot-mouche

A l’Université de Constance (Allemagne), Martin Strauch étudie l’odorat des insectes. Il souhaite se servir des récepteurs olfactifs de la mouche pour développer des capteurs biotechnologiques capables de sentir des maladies mortelles.

Le chercheur a recouru à l’imagerie calcique pour mesurer l’activité neuronale des récepteurs olfactifs d’une mouche du vinaigre. Selon Martin Strauch, «la mouche sait distinguer les cellules saines des cellules cancéreuses».

Cette étude est un premier pas vers des nez électroniques équipés de capteurs biologiques, qui permettraient de reconnaître un éventail plus large d’odeurs. Le but est d’obtenir des résultats plus fiables que ceux basés sur les réactions de chiens, qui sont sujettes à interprétation.
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Comment fonctionne un nez électronique

Un nez électronique est équipé de capteurs réagissant à des composés organiques volatils (COV), c’est-à-dire des gaz ou des vapeurs. Les données fournies par un ensemble des capteurs permettent de dessiner l’«empreinte» du COV en question. Un ordinateur analyse les réactions de tous les capteurs et compare le résultat à la banque de données. Plutôt que d’identifier les composants chimiques d’une odeur, les nez électroniques visent à reconnaître l’odeur comme une entité à part entière. En cela, ils imitent le fonctionnement de l’odorat biologique.
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Une version de cet article est parue dans le magazine Technologist (no4).