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La neutralité à l’épreuve de Donetsk et Gaza

Face aux points les plus chauds d’un monde en ébullition, Didier Burkhalter se voit reprocher son silence. Mais qui aurait envie de parler au milieu d’une pareille cacophonie?

Tambouriner ou pas? C’est la question qui se pose à propos du malheureux Didier Burkhalter qui n’a vraiment, vraiment pas de chance. L’année où, à sa casquette de ministre des affaires étrangères, il doit ajouter celle de président de la Confédération et de président de l’OSCE, voilà que le monde s’embrase comme jamais.

Le chef du département des affaires étrangères, le président de l’OSCE et celui d’un pays célèbre pour sa neutralité et la finesse de sa diplomatie sont donc attendus trois fois au tournant. Tout spécialement sur deux sujets — l’Ukraine et Gaza — où les positions des uns et des autres sont férocement tranchées, aveugles, violentes, sans nuances et d‘une mauvaise foi aussi savamment consommée qu’équitablement partagée.

Le conflit russo-ukrainien d’abord. La réaction de Didier Burkhalter à l’abattage en plein vol du Boeing de Malaysia Airlines au-dessus de Donetsk a été des plus prudentes, le Neuchâtelois se contentant d’évoquer son «émotion» et de présenter ses condoléances aux familles des victimes.

Un service minimum qu’il a justifié par le fait que les causes et les responsables de ce drame n’étaient pas encore connues. On ne reprochera pas à Burkhalter de s’être montré plus mesuré que le Sun, tabloïd d’entre tous les tabloïds, qui titrait en une au lendemain du crash: «Putin’s missile».

N’empêche: y compris chez les amis du président de la Confédération, on n’est pas loin de penser que la Suisse pourrait froncer un peu plus haut les sourcils face aux menées de plus en plus agressives de la Russie poutinienne. La radicale bernoise Christa Markwalder dit ainsi attendre au moins une condamnation et que la Confédération s’aligne sur les sanctions contre la Russie décidées par les Etats-Unis et l’Union européenne.

Mais bon, sur ce coup-là, le triple boss Burkhalter ne risque pas grand-chose: la figure de l’autoritaire Poutine devient chaque jour un peu plus populaire dans chacun des bords extrêmes de l’échiquier politique, en Europe comme en Suisse. L’UDC admire ainsi l’homme fort, le nationaliste, le rouleur de mécaniques qui ne cache pas son mépris pour les Etats-Unis, l’Union européenne et toutes ces niaiseries que sont les litanies juridiques du droit international.

Moins compréhensible en revanche apparaît le capital de sympathie dont jouit le maître du Kremlin auprès d’une certaine gauche. C’est d’ailleurs d’un socialiste, le conseiller national genevois Carlo Sommaruga, cité par le quotidien La Liberté, que Burkhalter reçoit le soutien le plus marqué pour son silence sur l’implication possible des forces pro-russes dans la mise au tapis du Boeing malaisien: «Notre pays n’a pas à prendre position ni à prendre des sanctions».

Où l’on voit pourtant la difficulté de la tâche du chef du DFAE, c’est que le même homme, le même Sommaruga, s’indigne en revanche que sur Gaza «on n’entende pas Didier Burkhalter». Qu’il se contente d’un «service minimum» alors qu’il devrait selon le socialiste genevois condamner «à voix haute les violations du droit humanitaire et du droit international». Il faudrait donc diplomatiquement distinguer entre le missile russe, la bombe israélienne et la roquette palestinienne.

Devant cette ébouriffante perspective, la défense du mutisme burkhaltérien par le radical genevois Christian Lüscher apparaîtrait presque comme un modèle de sagesse: «Pas sûr que l’opinion publique suisse attende de son conseiller fédéral qu’il tambourine.»

Heureusement pour Didier Burkhalter, il reste des situations — les chrétiens de Syrie et d’Irak par exemple, persécutés au même titre que les chiites par l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) — où très curieusement personne ne vient lui reprocher son silence ni sa parfaite neutralité.