LATITUDES

Stress: le domicile pire que le travail

Des femmes épuisées par les tâches domestiques et des hommes qui meurent prématurément, accablés par les disputes familiales. Deux études ébranlent le cliché du cocon régénérateur à la maison.

Sarah vient de reprendre son travail de secrétaire après un congé maternité. A l’heure de la pause, elle admet avoir, à plusieurs reprises, souhaité écourter cette période de plein temps à la maison. «Les piles de dossiers qui m’attendent ici, c’est du gâteau comparé à ma vie ces dernières semaines.» Les collègues qui ont déjà emprunté ce parcours ne s’en étonnent pas. Elles aussi ont perçu le retour au boulot comme relaxant.

Et si le stress, généralement associé à la pression subie au travail, prospérait dans le cocon familial? Une étude menée par Sarah Damaske, sociologue à la Pennsylvania State University, vient bouleverser le cliché de la quiétude du bonheur familial. «Nous savions déjà que les travailleurs bénéficient d’une meilleure santé physique et mentale, en particulier les mères de 45 ans ayant travaillé à plein temps entre 20 et 40 ans, en comparaison avec les autres — travailleuses à mi-temps, chômeuses ou femmes au foyer», explique le Dr Damaske. Publiée le mois dernier dans «Social Science & Medecine», la recherche américaine vient accréditer les hypothèses d’études menées dans les années 1990. Sans être en mesure de quantifier le stress, elles supputaient que l’intensité du stress domestique pouvait dépasser celle du travail.

Le cortisol est la principale molécule indicatrice du stress. La variation de son taux renseigne objectivement sur l‘état de tension d’une personne. Partant de ce constat, un échantillon de 122 mères et pères de famille a été sélectionné, dans le but d’évaluer leur stress pendant quelques jours au travail et durant le weekend. Le cortisol prélevé dans la salive a été dosé six fois par jour afin d’établir les niveaux de stress physiologique et de les comparer au ressenti des sujets.

Le ressenti, subjectif, a apporté des résultats très inégaux. L’explication? Il est plus difficile de décrire précisément le stress domestique que professionnel. Admettre que son conjoint ou ses enfants contribuent à rendre la vie pénible n’est pas aisé. Or, les taux de cortisol qui ont été enregistrés montrent que les sujets de l’étude, les femmes davantage que les hommes, étaient plus stressés chez eux que sur leur lieu de travail. Cela indépendamment de leur milieu socio-économique.

Des résultat qui vont donc à l’encontre d’une idée répandue, à savoir que le travail est la source majeure du stress. Sarah Damaske précise: «Le fait que l’on se sente mieux au bureau ne signifie pas pour autant que l’on n’apprécie pas d’être chez soi ou de passer du temps avec ses enfants. Cela révèle surtout que travailler nous fait du bien. Être concentré sur le moment présent, absorbé par une tâche, terminer des projets et socialiser avec ses collègues est bénéfique à notre équilibre et contribue à faire diminuer notre niveau de stress.»

Les hommes parviennent-ils vraiment mieux que leurs compagnes à décompresser à la maison? Pas sûr, à en croire une étude danoise. Selon celle-ci, chez les hommes d’âge moyen, les tensions familiales sont une cause majeure de mortalité. Dans cette classe d’âge, une mauvaise entente à la maison impacterait plus d’un décès sur deux, selon ce travail de recherche basé sur 10’000 hommes de 36 à 52 ans. Quelque 6% des hommes étudiés sont d’ailleurs décédés pendant la recherche.

Parmi les facteurs de tensions incriminés: des disputes fréquentes et des enfants ou épouses considérés comme trop exigeants. Des générateurs de «mauvais stress» qui multiplieraient par trois les risques de morts prématurées. Un taux de cortisol élevé est délétère pour le système cardiovasculaire.

Alors, où récupérer quand le stress est omniprésent? Les études mentionnées ne nous renseignent pas sur ce point. Et laissent ouvertes plusieurs questions. Une heure de jogging ou de méditation quotidienne serait-elle un antidote? Après l’introduction des vacances professionnelles, faut-il envisager le droit au congé à l’abri de la famille?