Ecopop, statistiques de l’avortement, affaire Giroud… Dieu merci, le Mondial de foot a débuté.
On ne sait pas quel nom donner à cette barrière-là, il faudrait être poète et poète féroce: les Genevoises donc avortent neuf fois plus que les Appenzelloises. On ne sait pas non plus si pour ces dernières, la même explication vaut que pour les jeunes filles de 15 à 19 ans, qui ne sont plus que 4% à avoir subi une interruption de grossesse, contre 6% il y encore huit ans. A savoir qu’en réalité elles n’avortent pas moins mais tombent moins souvent enceintes. C’est en tout cas ce que précise l’Office fédéral de la santé (OFS) et certainement le moyen le plus imparable pour faire baisser les statistiques en matière d’IVG.
Ce que l’on sait en revanche, c’est que les milieux anti-avortement se montrent pour une fois charitables et décidés à ne pas accabler de leur habituel courroux les malheureuses citoyennes du bout du lac. Certes à leur manière toujours un peu abrupte: en rajoutant dans le même panier indigne les Valaisannes et les Vaudoises. L’association «Choisir la vie» s’agace ainsi de ce que les trois cantons de «Vaud, Valais et Genève concentrent à eux seuls 30,25% des avortements pratiqués en Suisse chez les jeunes femmes de 15 à 24 ans». Après le welsch paresseux et alcoolique, verra-t-on naître le mythe des welschettes dévergondées et sans cervelle? Libre à chacun néanmoins de penser que la légère baisse des avortements constatée l’an dernier — 10’444 contre 10’853 en 2012 — ne doit pas forcément tout à la vertu et/ou la prévoyance exemplaire des Appenzelloises.
On pourra regretter à ce propos que l’ex porte-voix de la difficile cause anti-IVG, l’inénarrable encaveur Dominique G***, ait d’autres méchants chats à fouetter, spécialement les spécimens fouineurs qui hantent certaines rédactions, et d’autres soucis en tête, d’ordre aussi divers que variés — fraude fiscale, espionnage, tromperie sur la marchandise, on n’ose plus imaginer quoi encore. Ses commentaires toujours avisés et sa hauteur de vue jamais prise en défaut, bref son expertise, manquent cruellement au débat.
Dans ce contexte morose, le cri de guerre des partisans de l’initiative Ecopop — «Halte à la surpopulation» — apparait comme trop subtilement décalé. Au point de ne convaincre à peu près personne, plus même ses soutiens espérés. Un texte stipulant, comme on sait et ainsi que le rappelle sa tête plus ou moins pensante, le biochimiste Benno Büeler, que «la part de la croissance démographique due à l’immigration ne doit pas dépasser 0,2% de la population résidente».
Une drôle de sorte d’usine à gaz puisqu’en toile de fond il s’agirait de réduire l’impact humain sur l’environnement en réduisant la croissance démographique par un frein à l’immigration et, accessoirement, en finançant des opérations de planning familial dans les pays en développement.
Sans doute échaudés par le petchi international dans lequel le vote du 9 février a plongé la Suisse — «un pays tout pourri» comme a su récemment l’exprimer en substance et avec son élégance coutumière un ancien président français — les parlementaires ont eu la dent plus que dure. «Une initiative raciste d’écolos en Birkenstock», a même résumé l’un d’eux, plutôt compétent en ces matière — initiative, Birkenstock et racisme — puisqu’il s’agissait de l’UDC saint-gallois Roland Rino Büchel.
Le vert-brun c’est sûr reste une couleur moyennement appétissante. Si en plus les interruptions de grossesse sont à la baisse, on comprend le blues des amis du Birkenstock et de la décroissance. On se consolera d’une telle actualité politique avec la fête mondiale du ballon rond enfin lancée. Ah le foot! Ses héros, tout purs, ses penseurs, ses artistes. Citons cette saillie de l’immense poète Diego Armando Maradona, qui pourrait servir aussi d’emblème à tous les politiciens victimes d’impuissance chronique: «Arriver dans la surface de réparation et ne pas pouvoir tirer au but, c’est comme danser avec sa sœur.»