Cafouillages en tout genre et trop grande proximité avec les fouines américaines: nos services secrets sont dans le viseur du politique. Pour la galerie?
Il semble y avoir plus schizophrène que les agents doubles: les instances politiques chargées de les contrôler. Tandis qu’ils nous préparent en effet une nouvelle loi à même de renforcer les services secrets, le Conseil fédéral et le Parlement s’énervent en même temps d’une trop grande proximité supposée de nos espions avec ceux de la trop fouineuse Amérique.
Après le scandale mondial des écoutes de la NSA, le gouvernement suisse, comme la plupart de ses grands homologues européens, s’est en effet drapé dans une indignation de circonstance, qui ne mange ni pain ni rétorsion. En rappelant juste, sur le ton de la vertu outragée, que si «l’espionnage peut être nécessaire» il se doit d’être «étroitement contrôlé par les autorités et respecter au mieux la sphère privée». Ce qui équivaut plus ou moins à souhaiter des services secrets qui n’espionneraient plus personne et n’auraient plus rien de secret.
Ueli Maurer, patron flageolant de la Défense, a néanmoins craché-juré que jamais ses services n’avaient procédé à un quelconque échange d’informations avec la fameuse NSA. Ce que vient malheureusement contredire un document révélé par le russophile Snowden. Où la Suisse reçoit des Américains un certificat de bonne coopération dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Le Parlement veut donc en savoir plus. Comme s’il préférait la situation contraire: que la Suisse ne coopère pas dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé.
Au point, par la voix de la conseillère nationale PS Maria Roth-Bernasconi, de se plaindre du manque de moyens dans la délicate tâche d’espionner les espions: «Surveiller de tels services, c’est devenu une tâche impossible pour des parlementaires de milice. Nous aurions besoin de structures professionnelles.»
Des services qui il est vrai n’en font jamais qu’à leur tête, tout en cachette et souvent de travers. Des pratiques de fichages illégaux avaient ainsi été détectées et dénoncées en 2010. Sans oublier un volet «Pieds nickelés» avec un spectaculaire vol de documents confidentiels l’an dernier.
Bref tout cela turlupine nos politiques au moment de plancher sur une nouvelle législation soupçonnée déjà d’accroitre les capacités de nuisance de nos chers barbouzes dans le domaine de la «surveillance préventive» — écoutes téléphoniques, intrusion informatique, infiltration dans des lieux privés etc. Ce qui fait dire au Vert zurichois Balthasar Glättli qu’«on ne doit pas seulement protester contre l’espionnage des Etats-Unis. Mais aussi stopper Ueli Maurer et le Conseil fédéral».
Au même moment, mais cela n’a évidemment rien à voir, le quotidien Le Temps révèle que des résidents suisses affichent ouvertement sur les réseaux sociaux leur sympathie pour des mouvements djihadistes et autres amicales islamistes proches d’Al-Quaida, en pleine bourre sur la scène syrienne. La seule intention de commettre un délit n’en constituant pas un, «face à de tels cas, la justice reste souvent démunie, les preuves concrètes d’apologie du terrorisme étant difficiles à récolter». Surtout si le parlement se pique de jouer les vertueux et les sourcilleux.
Devant la complexité de la tâche, le manque de moyens et la méfiance généralisée, les agents des services suisses de renseignements pourront toujours faire le toast préféré des espions soviétiques, surtout vers la fin: «Za ouspiekh nachévo beznadiojnovo diéla!». Autrement dit: «Au succès de notre entreprise désespérée!»