Faible capacité de réaction, peur du scandale, timidité et mesquinerie dans les choix politiques: les édiles suisses font généralement peine à voir. Et si c’était là leur force?
Mollets noueux mais petits bras? On pourrait le penser si une classe politique se juge à l’ampleur des scandales qu’elle provoque. Le mot scandale paraît déjà d’ailleurs bien exagéré pour des édiles suisses, qui se contentent ordinairement de dérapages légers.
Ainsi le PDC tessinois Filippo Lombardi, célèbre jadis pour ses funestes tentatives de concilier alcool et volant, aurait trop voyagé durant son année de présidence du Conseil des Etats. Certes la liste des pays visités par le bon Filippo peut sembler s’apparenter à une volonté touristique de «faire» l’Amérique latine et l’Asie du Sud-Est.
Sauf qu’à bien compter cela ne fait que douze pays. Pour une fonction de cette importance, cela peut sembler très peu. Le président du Sénat en France n’est-il pas considéré comme le deuxième personnage de l’Etat, appelé à assurer l’intérim en cas de décès ou de renoncement du président de la République? Si Lombardi avait envie de voir le monde aux frais de la princesse, en prenant exemple sur ce qui se pratique chez ses homologues, il aurait montré plus d’ambition et serait allé porter la bonne parole confédérale plus largement aux quatre coins de la terre. Mais cela pour le coup aurait déclenché un vrai scandale, vous n’y pensez pas.
Mollets noueux mais petits bras? Peut-être bien si l’on en juge par la capacité de réaction et d’indignation de nos plus hautes autorités. Ainsi face au scandale planétaire des écoutes américaines, qui provoque colère et stupéfaction dans toutes les grandes capitales, notre leader minimo à nous, le paisible président Ueli Maurer, tient d’entrée à se placer loin de tout ce vacarme: «Nous n’allons pas céder à l’hystérie comme les autres. Il faut relativiser tous ces événements. Il n’y a rien de surprenant à cet espionnage, puisque tout est techniquement possible.»
Toujours garder son calme. Pas un mot plus haut que l’autre. Maîtrise de soi. Zénitude de l’armailli. Le gazage des populations en Syrie ou ailleurs n’a rien de surprenant puisqu’il est techniquement possible. N’empêche, se boucher les oreilles face aux écoutes, c’est fort.
Mollets noueux mais petits bras? Il faut en tout cas bien constater le manque de témérité du Conseil fédéral qui ne veut pas entendre parler des congés parentaux ou de paternité. Lesquels sont un droit acquis dans tous les pays de la si niaise et barbare Union européenne. Avec une hypocrisie consommée le gouvernement fait valoir que les crèches sont une meilleure solution pour favoriser la conciliation enfant-vie professionnelle. Il fallait oser, dans un pays qui manque cruellement et curieusement des deux à la fois: et de crèches et d’enfants. Les milieux patronaux ne se montrent pas plus courageux, estimant que ces congés parentaux mettraient à genou, selon leur mode de financement, la rentabilité des entreprises ou celle du travail.
Mollets noueux mais petits bras? Oui encore, si l’on se réfère à certains articles particulièrement mesquins de notre législation. Comme cette ordonnance fédérale décrétant qu’une chose, une seule peut être apposée sur le pare-brise des automobiles: l’autocollant de la vignette bien sûr. Un peu comme la seule marque visible sur le cuir précieux des petits veaux: le fer rouge.
L’UDC Lukas Reimann, au nom d’un comité désireux de faire circuler une fausse vignette de propagande contre l’augmentation à 100 francs, a bien tenté de modifier la loi. De proposer que le citoyen voituré puisse afficher sur son pare-brise à peu près ce que bon lui semble. Insignes, fanions, porte-bonheur, symbole religieux, tout ce qui lui passe par la tête. Aussi bien donc «Allah akbar» que «Fiers d’être Valaisans». Niet du parlement. A mesquinerie, mesquinerie et demie.
Tout cela s’apparente à une façon de faire de la politique au rabais. Le moins de vagues possible, on ne change pas des habitudes qui gagnent. Car voici le plus fort: petit bras, cela peut rapporter gros.