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Mieux que Twitter, la brève d’agence

La dépêche courte a paradoxalement le pouvoir d’en dire long sur notre système politique et nos moeurs. Les perles de ces derniers jours.

On les appelle des brèves. Quelques lignes, deux mots, pour rapporter quand même un fait dont on avait d’abord jugé qu’il ne valait pas la peine de retenir l’attention de qui que ce fût. Les brèves politiques, au premier abord, ne disent d’ailleurs pas grand-chose. Au deuxième non plus. Le diable se cachant malgré tout dans le détail, et la sobriété d’un propos permettant d’en tirer les conclusions qu’on voudra, la brève invite à appréhender sans manichéisme plusieurs facettes d’un même problème. Le succès de Twitter ne s’expliquerait-il pas, un peu, par cette évidence: la brutalité du raccourci invite à la réplique.

Que penser ainsi de cette microscopique information rapportée par l’ATS: il est désormais interdit aux élèves des cycles d’orientation genevois de vapoter? Et ce, «au nom du bon sens», assène le Département de l’Instruction publique (DIP). Vu qu’évidemment le règlement ne dit mot sur cette nouvelle et formidable manière de faire de la fumée sans feu.

Les hygiénistes de tout poil et autres empêcheurs de vivre salueront ce «bon sens», dont d’ordinaire les politiques semblent si cruellement démunis. Les autres trouveront que le bons sens a ici bon dos et qu’avec une caution aussi vague, on peut justifier n’importe quoi et son contraire. Surtout quand les personnes visées sont des mineurs sans défense.

La brève peut aussi menacer, d’un souffle, les plus gigantesques certitudes. Un problème de logement à Genève? Vous n’y pensez pas: menteries, fantasmes et désinformation que tout cela. La preuve: quatre lignes dans Le Temps nous apprennent que trois initiatives populaires, émanant du Parti du Travail et de l’Asloca et visant à renforcer les droits des locataires, n’ont pas réussi à rassembler les 10’000 paraphes nécessaires à leur enregistrement.

Outre l’absence de crise du logement à Genève, on pourra en déduire tout aussi justement un découragement du citoyen devant la chose politique, qui le conduit à négliger même la défense de ses propres intérêts. Ou encore l’incapacité de la gauche de la gauche à faire encore rêver tout éveillé, depuis qu’elle s’est spécialisée dans les contes à dormir debout. Le manque de punch et de crédibilité, enfin, d’associations supposées colmater les manques d’un Etat pingre et mollachu.

Il existe, reconnaissons-le, des brèves dont il est difficile de tirer quoi que ce soit. Que faire en effet avec l’information qu’un artiste berlinois a annexé 1 m2 du demi-canton d’Obwald pour y proclamer l’Etat d’Arcadie, sur lequel désormais la Suisse n’aurait aucun droit? Que faire, oui, à part expectorer quelques plates moqueries contre les artistes contemporains. Ou les Berlinois, à choix.

Comme pour le commerce amoureux enfin, dans la colonne des brèves, un petit mot répond volontiers à l’autre. Ceci d’abord: le gouvernement valaisan se montre satisfait du projet d’application de la législation sur les résidences secondaires. Cela ensuite: lors de la dernière fête de la châtaigne à Fully, en Valais, des tracts injurieux ont été déposés sur les véhicules des automobilistes vaudois. Des voisins coupables d’avoir approuvé l’initiative Weber, et même un peu plus nettement que la moyenne suisse.

Que d’enseignements en si peu de mots. Qu’on trouve par exemple toujours plus buté et malpoli que soi. Qu’entre les élites et le peuple, les fossés se creusent à tout propos. Que si les Vaudois enfin aiment déguster les châtaignes, les Valaisans eux préfèrent les distribuer. Pour un oui ou pour un non.