L’énergie et la popularité de l’UDC s’avèrent inversement proportionnelles à ses réalisations concrètes. Tel paraît l’implacable bilan de la législature.
«Il y a des hauts et des bas, des moments où l’on y croit vraiment et d’autres où c’est la catastrophe.» Voilà ce que soupire, à une encablure de scrutin fédéral, la blonde candidate UDC Céline Amaudruz. Face à l’avalanche de bulletins, d’idées, de bobines et de noms, fameux ou obscures, c’est aussi ce que pourrait se dire le courageux citoyen votant.
Voter oui, certes, mais pour qui, et surtout pour quoi? Si l’on n’est pas un militant énamouré, ni un idéologue salarié, pourquoi ne pas juste soupeser les bilans réels et respectifs de chacun durant la législature?
A cet amusant petit jeu, on s’aperçoit vite que l’efficacité et les réalisations concrètes de l’UDC, premier parti de Suisse et qui le restera sans difficulté ni contestation, apparaissent inversement proportionnelles à la virulence du ton employé: timides, presque inexistantes. Au point que si, à ce stade, on ne sait toujours pas pour qui voter, il semble déjà plus simple d’entrevoir pour qui ne pas voter.
Oh certes, l’UDC et ses roitelets fainéants ont bien remporté ces quatre dernières années quelques retentissantes victoires populaires et médiatiques, mais sur des sujets hautement anecdotiques, limite folkloriques, sans lien en tout cas avec la vie des gens ou l’intérêt du pays. Comme l’interdiction de minarets que personne ne songeait à ériger ou l’expulsion de criminels étrangers formellement déjà expulsables.
Pire: seule l’UDC, lors des débats parlementaires, n’a finalement rien trouvé à dire et s’est piteusement abstenue à propos du pourtant crucial accord avec les Etats-Unis sur UBS.
Seule aussi, face aux leçons dramatiques de Fukushima, face à une remise en question planétaire, l’UDC, contre les autres formations maintient sa position d’origine, aussi immuable qu’un déchet radioactif: pas de sortie même lointaine, même partielle du nucléaire.
Cette inefficience de l’UDC n’est pas nouvelle et elle tient peut-être au problème que semble avoir ce parti avec la réalité. On avait déjà vu le flamboyant Blocher, la bête politique de l’Albisgüetli, se transformer, une fois les mains dans les cambouis, en un tout petit conseiller fédéral. Pas meilleur et parfois même pire que ses prédécesseurs dans la gestion concrète de l’asile. Incapable même de mener cette fameuse politique plus restrictive, souhaitée par ses partisans et définie pourtant par personne d’autre que lui-même.
Les autres partis, objectera-t-on, n’ont pas fait plus d’étincelles ces quatre dernières années. C’est à voir. Le PDC se révèle à la fois le parti le plus en phase avec le peuple — 81 % de ses mots d’ordre ont été suivi — mais aussi le plus efficace au parlement — près de 90% des objets présentés ont passé la rampe.
Les socialistes, malgré le peu de succès engrangés, ont su garder leur cohérence sur la défense des assurances sociales contre les appétits néo-libéraux, bloquant même avec l’aide du peuple la très commode mais peu équitable baisse du taux de conversion des rentes 2ème pilier.
Le sang froid, l’expérience et l’accointance des radicaux avec les milieux concernés ont notablement servi dans la gestion des crises financières. Quant aux Verts, c’est bien simple, l’histoire, avec Fukushima en point d’orgue, leur donne chaque jour un peu plus raison.
On se gardera bien de tirer la conclusion hâtive qui s’impose pourtant d’elle-même: il semblerait à l’aune du bien publique, de la prospérité générale et même de la sécurité, que l’UDC ne serve pas à grand chose, pour ne pas dire à rien. Et que bavard, dissipé, fort en gueule, mais nul au moment de l’effort, mais populaire comme peuvent l’être les mauvais garçons dans une école réputée, ce premier de classe a réussi surtout l’exploit de mériter le bonnet d’âne.