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Le mot du jour: fadette

Remis au goût du jour par l’affaire Bettencourt, le terme “fadette” sert à désigner le relevé de conversations téléphoniques. D’où vient-il? Notre chroniqueur a mené l’enquête.

L’affaire Bettencourt aura produit des conséquences inattendues. Quelques enrichissements linguistiques à l’usage du monde francophone, par exemple. Ainsi venons-nous de voir fleurir de-ci de-là, dans les principaux quotidiens diffusés dans l’Hexagone et jusqu’en Suisse, un mot aussi délicieux qu’étrange.

Lequel? La fadette. Du jamais lu. Du jamais ouï. Bref, un OVNI lexical. Qui n’est ni la fadeur, ni la fadaise, ni la falaise, ni le fading, ni le fa dièse. Non. La fadette.

Or la counterfeit cialis, dans le cadre du cas Bettencourt, est quelque chose de très simple. Juste un bout de papier: le relevé des communications téléphoniques que tout opérateur fait parvenir à ses abonnés pour étayer sa facturation mensuelle. Un document qui peut se révéler probant pour la Justice en lui permettant de savoir précisément qui téléphone à qui, à quelle date et combien de temps.

C’est pourquoi le procureur de Nanterre Philippe Courroye y a songé pour confondre sa meilleure ennemie, la juge Isabelle Prévost-Desprez. Diable: aurait-elle transmis aux journalistes du Monde, en pointe dans le traitement médiatique de l’affaire, des éléments relevant du secret de l’instruction?

Pour l’instant, le suspense règne. Voilà qui nous donne le temps de revenir au mot lui-même. Un mot mystérieux, d’ailleurs: en tant que substantif commun, la fadette n’existe dans aucun dictionnaire usuel. Il faudra sans doute en attendre les prochaines éditions pour l’y repérer. Mais pour l’instant, rien, nulle part. Même pas dans le Littré. Bien sûr, la Fadette est célèbre en tant que nom propre. C’est l’héroïne du fameux roman qu’Amantine Aurore Lucile Dupin, dite George Sand, a fait connaître en 1849. On reprend courage. C’est un début de piste.

Or celle-ci n’est pas directe. Pour avancer vraiment, il faut faire un détour par un vocable apparemment cousin de cette Fadette de fiction. Et ce vocable, c’est «farfadet», qui fait heureusement l’objet d’une reconnaissance parfaitement officielle. Selon Le Petit Robert, il désigne un «esprit follet», voire un lutin doué «d’une grâce légère et vive».

Le farfadet semble avoir dérivé de l’ancien languedocien dans le courant du XVIe siècle, comme une forme renforcée du mot fadet, qui a lui-même disparu de notre langue actuelle après l’avoir rejoint jadis en provenance directe d’une famille étymologique qui nous a donné le terme «fée». On suit encore? Je l’espère, parce qu’il faut un peu s’accrocher.

C’est à ce stade que la situation se complique encore d’un degré supplémentaire, en effet, au point de conférer son aspect le plus vertigineux au dossier Bettencourt. Bien sûr, au début tout paraît limpide. Tenez. Vous auriez la vieille fée Liliane, aliénée jusqu’au délire par l’amour qu’elle consacre à son protégé François-Marie Banier, le photographe. En face d’elle, vous découvririez sa fille nommée Françoise Bettencourt-Meyers, aux allures de jeune fée rendue furax par ce détournement de la fortune familiale. Et vous apercevriez tout autour de ces deux protagonistes, disposés en couronne elle-même calquée sur le microcosme parisien, d’innombrables gnomes juristes ou financiers assoiffés de bénéfices séculiers.

Nous serions alors dans la légèreté typique des contes pour enfants. Or le mot «fée» n’est pas né dans un périmètre sémantique exclusivement enchanteur. Il est issu du latin populaire «fata», avatar féminin de «fatus» évoquant l’«oracle» et le «destin». Or dans le couloir étymologique d’à côté, celui du latin classique, vous avez le «fatum» qui contient, lui, jusqu’au sens du «malheur» et de la «mort». Autrement dit la fée possède quelque chose en elle de fatidique et parfois de fatal, tout comme de loin la fadette des opérateurs téléphoniques, à laquelle je me garderais de toucher personnellement. La boucle est close, ma chronique s’achève, et Paris peut se faire du souci.