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La liberté de recommander trois décis

Hans-Rudolf Merz voit dans la fraude «une atmosphère», l’UDC veut mettre du dialecte dans les biberons et le fantôme de Couchepin trinque à la bonne santé des assurés. Au secours, on ne tient plus la Suisse profonde…

Cela s’appelle revenir sur les lieux de son crime. Invité de l’excellente rubrique du Temps «Déjeuner avec», Pascal Couchepin commente, devant une bonne table sierroise, et comme au bon vieux temps, la dernière et énième hausse des primes maladie. En avant toute vers le passé, donc, et un vrai festival.

L’homme martèle le catéchisme qui a toujours été le sien: la caisse unique c’est bobards et compagnie. «Risque d’une privatisation à la russe.» «Aucune influence sur les coûts.» «N’amènerait rien en matière de transparence.» «Les malades devraient payer plus.» Tout cela asséné entre deux bouchées de civet-choux rouges.

Et tant pis si ce catéchisme, tout comme son contraire de la caisse unique, reste à peu près invérifiable, comme tout bon catéchisme. Ce qui prouve quand même une chose: qu’en matière d’opacité, là oui les assureurs sont vraiment uniques.

Bref, Couchepin n’a pas changé. Tout juste s’affirme-t-il, à rebrousse-poil de ses concitoyens, militant pro-loup. Entre grands fauves, n’est-ce pas, la solidarité est de mise. Ah oui: depuis son départ du Conseil fédéral, le Martignerain s’avoue encore particulièrement heureux d’avoir conquis cette nouvelle, cette formidable liberté: «Celle de recommander trois décis.»

La liberté en somme de l’homme privé face à l’homme publique, condamné lui à la bonne tenue et à la triste sobriété. Sauf qu’en Suisse les deux univers peuvent parfois méchamment se confondre. La sphère et même «l’atmosphère» privée font partie des valeurs confédérales profondes. C’est en tout cas ce que le rusé Hans-Rudolf Merz proclame, au détour d’un passage à Londres pour vendre cette astuce admirable — «l’impôt libératoire durable».

Un truc épatant, l’impôt libératoire durable, qui permettra de taxer les fortunes anglaises discrètement réfugiées en Suisse, de rendre ensuite l’argent à la reine mais sans dénoncer les gentlemen fraudeurs. Ce serait en effet contraire, a rappelé le grand argentier, à toutes nos croyances et valeurs: «Ces mesures préserveront l’atmosphère privée qui fait partie de la mentalité de notre pays». Voilà, c’est dit.

Un bon compromis, quand même, d’autant que pour en arriver là nous avons du passer par un sacré chemin de croix et renier une bonne partie de notre belle âme rouge et blanche. Comme l’a expliqué en effet, toujours depuis Londres, le toujours sémillant Merz, une pointe de regret dans la voix: «Sous une pression terrible et quotidienne, la Suisse est finalement parvenue à la conclusion que disposer d’argent non déclaré en Suisse n’était pas admissible.»

On mesure l’effort, on mesure la souffrance. Pour nous Suisses, si l’on comprend bien, jusqu’alors la fraude, l’argent non déclaré, étaient consubstantiels, aussi nécessaires que l’oxygène, une question «d’atmosphère» comme il a été répété.

Face à de si franches et saines valeurs sacrifiées sur l’autel de la real politik et surtout de la réelle trouille que nous fichent nos grands méchants voisins, heureusement la vaillante UDC veille. Et appelle dans son programme 2011 – 2015 à résister à une redoutable cinquième colonne remettant en cause «la supériorité du modèle suisse». La vaillante UDC donne même les noms de code des traîtres: «Conseil fédéral», «Parlement», «Administration». On aurait presque envie d’ajouter: «Au poteau!»

Oui, heureusement la vaillante UDC veille et propose, entre autres mesures phares pour redresser l’Helvétie en perdition, «le swyzerdütsch obligatoire dès la maternelle». Une injonction certes un peu complexe et délicate à mettre en pratique de ce côté-ci du gouffre de röstis.

Même pas grave: si, comme le martèlent des blochériens déjà en campagne, «les Suisses votent UDC», les Romands, de leur côté, continueront sans doute longtemps de plébisciter, même monolingues et sans patois, la pascalienne liberté de «recommander trois décis». Dès la maternelle, s’il faut.