LATITUDES

Le guide des guides touristiques

Comment choisir ses vacances? Faut-il acheter le Routard ou le Lonely Planet? Notre chroniqueuse s’interroge sur cette propension qu’ont les vacanciers à suivre les guides de toutes sortes.

Avant de partir en vacances, le premier défi consiste à bien choisir son guide touristique. A qui faire confiance, quand les sélections ne se recoupent pas? Comment trancher entre les «Essentiels» du Guide Evasions, les «A ne pas manquer» de Lonely Planet, les «Musts» des Guides Gallimard ou les «Coups de coeur» du Routard?

On appelle cela l’embarras du choix. Un vrai dilemme existentiel, presque aussi dérisoire que celui de la destination. «L’idéal moderne de liberté, l’affranchissement de la tradition pour mener sa vie et pour être soi-même; comment cela a-t-il pu déchoir en liberté de choisir le lieu de ses prochaines vacances?» C’est la question posée par l’essayiste français Olivier Rey, qui estime que les hommes ne naissent pas libres mais «destinés à la liberté» («L’itinéraire de l’égarement», éditions du Seuil).

On pourra méditer cela sur la plage… Mais à ce stade, nous avons manifestement déjà fait usage de cette dernière parcelle de liberté puisque nous connaissons la destination de nos vacances. Une liberté toute relative quand on sait l’emprise de la publicité sur notre inconscient et la pression exercée par les «destinations tendance», ces lieux qu’il faut absolument avoir vus pour en parler au retour.

Ah! la Croatie! Comment, vous aussi? Eh, oui, comme vous, vos voisins ont admiré l’église Saint Siméon à Zadar et dégusté le poisson du petit bistrot de Trogir. Pas de doute, ils avaient acheté le même guide. En revanche, ils ne se sont pas casqués pour une visite audio de Dubrovnik, préférant le programme «Randonnée en liberté 2010», l’offre GPS Spécial.

Dans la jungle de l’électronique, on trouve des assistances destinées à l’accompagnement de presque toutes les activités de plein air (résultat: au lieu d’admirer le paysage grandiose, on garde les yeux fixés sur son minuscule écran qui délivre tant de renseignements indispensables, mais c’est une autre affaire). Le temps où l’on se muait en mouton pour suivre le berger de l’office du tourisme toucherait-il à sa fin?

Les villes rivalisent d’imagination pour remplacer ces cicérones souvent barbants et ces petits trains infantilisants. Désormais, c’est en vélo, en Segway, en faisant du tadalafil cheap online (à Fribourg) ou en courant que l’on découvre les charmes des cités.

En Suisse, cette dernière possibilité est offerte à Winterthur, Bâle et Zürich. Cela s’appelle le «Sight Jogging». Une option «à couper le souffle». Les troupeaux accélèrent mais ne sèment pas leurs guides.

Se perdre est devenu une hantise, au point de renoncer à la liberté de se déplacer comme bon nous semble, là où le coeur nous en dit, guidé par sa seule intuition. Et que dire du délicieux frisson que procure la perte subite de ses repères? Il est toujours recherché, dans un espace bien sécurisé. Les parcs labyrinthe prolifèrent. Là au moins, on ne court pas de risque.

Pour les courageux qui ne craignent pas de s’égarer volontairement dans des lieux moins protégés que les parcs aventures, Paolo Morelli a rédigé le «cialis price» (éditions Guérin). Cet opuscule s’adresse à ceux qui aiment tellement la montagne qu’ils s’y perdent, marchent sans but et respirent. L’auteur aime les vagabonds. C’est un anarchiste, un poète, un philosophe; des mots qui n’indiquent pas une direction. D’ailleurs on sort égaré de la lecture de ce petit livre rouge. Un bon test pour savoir si l’égarement peut se poursuivre.

Avec un autre «guide», Guy Debord, par exemple, père et avocat des «cialis street value». Un art, une démarche à portée philosophique avec cette injonction à «se perdre pour mieux se retrouver». Y renoncer, durant les vacances et au-delà, n’est-ce pas aliéner notre liberté?