Le vélocipède, forme ancienne de l’actuelle bicyclette, doit son existence aux caprices d’un volcan balinais. Histoire.
Des voyageurs bloqués dans des aéroports; c’est l’image que l’on conservera des conséquences immédiates de l’éruption du volcan islandais Eyjafjallajokull.
Il n’y avait ni avions, ni trains, ni automobiles lorsque le volcan Tambora se réveilla en 1815, sur l’île de Bali. Les hommes se déplaçaient alors à pied ou montaient dans des diligences pour les longs déplacements. Un moyen de transport qui fut gravement perturbé, lui aussi, par la catastrophe naturelle.
A quelque chose, ce malheur fut néanmoins bon puisqu’on lui doit l’invention — cela paraît incroyable — du vélo! Combien de cyclistes connaissent la genèse de leur monture? Une histoire qui mérite d’être contée, à l’heure où chacun prend conscience de la fragilité de notre système de transport aérien. Aujourd’hui aussi, la colère d’un lointain volcan pourrait s’accompagner de retombées positives. Un nouveau rapport à nos déplacements lointains, des trains rivalisant avec les avions pour les trajets de moyennes distances, un nouveau moyen de transport?
Ainsi donc, l’ancêtre de la bicyclette, la draisienne, doit tout au réveil d’un volcan de l’île de Bali. En 1815, le Tambora connaît une éruption paroxysmale qui décapite son sommet et envoie des cendres et des aérosols en très grande quantité dans la stratosphère. Ils seront transportés par jet streams et induiront des modifications climatiques très sensibles.
1816 fut une année sans été aux Etats-Unis et en Europe avec pour conséquences des récoltes désastreuses et des famines. Le prix de l’avoine grimpe alors à des sommets astronomiques et les chevaux sont immobilisés par manque de fourrage. Quelle pagaille!
A Mannheim, cette situation tragique stimule intellectuellement le baron Karl Drais von Sauerbronn. Que faire, qu’inventer? Le chercheur en col blanc d’une trentaine d’années se rappela que lorsqu’il s’adonne au patinage, il parvient à se déplacer, grâce à sa force musculaire, plus rapidement qu’un cheval. Il s’agit donc de trouver une solution qui fasse l’économie de l’avoine et des chevaux. Les chaises des infirmes, mues avec la seule énergie humaine, semblent l’avoir également inspiré.
Il construisit un véhicule en bois, la draisienne, qui possédait deux roues alignées, reliées à un cadre en bois par des fourches, la roue avant pouvant pivoter latéralement. En 1818, cette invention fut présentée et brevetée à Paris avec l’appellation vélocipède, son but étant «de faire marcher une personne avec une grande vitesse». Le seul moyen de propulsion était, à califourchon, de prendre appui au sol pour fournir une poussée. L’engin permettait de se déplacer à 14 kilomètres à l’heure, soit plus rapidement qu’avec une diligence.
Le premier moyen mécanique de transport individuel était né. Il connut un certain succès, en particulier aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Une dizaine de milliers de vélocipèdes auraient été fabriqués. Mais, la draisienne était difficile à manoeuvrer et l’état des routes déplorable. Les cyclistes empruntaient donc les trottoirs et menaçaient les piétons.
Les autorités allemandes, anglaises et américaines ne tardèrent pas à interdirent son utilisation. En 1851, Karl Drais mourut dans l’indigence et rares sont ceux qui connaissent l’étymologie du mot draisienne qu’il nous a légué. Il fallut attendre 1861 pour voir son oeuvre ressuscitée et améliorée grâce au vélocipède à pédale, créé par Pierre Michaux et son fil Ernest. Depuis lors, roulent les vélos, et continuent de cracher les volcans…
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