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La folle année de Merz le Maudit

Sous la présidence de Hans-Rudolf Merz, des sommets ont été atteints en 2009 dans la désillusion politique. La faute à un pays trop petit pour être compétent?

D’accord, Hans-Rudolf Merz a réussi à faire — un peu — reculer la France sur le dossier de l’évasion fiscale. Mais ce petit point marqué in extremis conclut une année présidentielle parfaitement catastrophique.

Dommage que l’année 2001, présidée alors par Moritz Leuenberger, et qui avait vu la tuerie du parlement de Zoug et Swissair l’orgueilleuse piquer bêtement du nez, ait fait mains basses sur l’AOC «annus horribilis». Du coup, pour le millésime qui s’achève, il ne reste plus de mots assez forts.

2009, qu’on s’en souvienne, aura quand même été le théâtre d’une série de désillusions et d’humiliations sur la scène internationale comme il s’en est rarement, sinon jamais, produit chez nous. Avec ce corollaire incroyable, impensable: la Suisse qui fait parler d’elle. Occupe sans vergogne, à de réitérées reprises, les une de la presse mondiale. Au point que le guignol chantant Freysinger se voit soudain offrir sur Al-Jazeera une audience de 80 millions de téléspectateurs, certes pas tous mélomanes ni férus de grande poésie allemande.

Résumons: attaques tout azimuts contre le secret bancaire, la place financière, UBS, la politique des forfaits fiscaux, puis le président Merz — cela sonne désormais comme un méchant oxymore — ridiculisé à Tripoli, et enfin l’opprobre mondiale pour saluer la votation sur les minarets. Du beau boulot. Personne n’aurait fait mieux, n’aurait fait plus.

On dira: face à tant de coups de sorts, face à tant de volontés hostiles, tant de forces et de coalitions férocement anti-suisses, face à cette espèce de complot américano-franco-libo-musulman contre nos intérêts, que pouvait ce pauvre Conseil fédéral?

Il pouvait en tout cas, et c’était même son job prioritaire de cette fin d’année, orienter le vote sur les minarets dans le bon sens. Au lieu de ça: campagne molle et inadéquate. Sur les autres fronts, à chaque fois, on a dû constater cette même terrible passivité, ou alors des initiatives intempestives qui ne faisaient qu’envenimer la situation.

À la décharge de Merz le maudit, on ne peut pas dire qu’il ait été vraiment soutenu ni bien entouré par ses collègues. Où était Calmy-Rey sur la crise libyenne? Doris Leuthard lors du pilonnage de la place financière, fleuron de notre économie? Et les deux caciques, les deux chenus, les deux arrogants doyens de l’aréopage, volontiers donneurs de leçon, façon poupées muppets au balcon, les sieurs Couchepin et Leuenberger? Ailleurs, hors du coup, planqués, à la retraite déjà.

L’année politique a été tellement nulle d’un point de vue gouvernemental que les propositions de grands coups de sac, la plupart réchauffées et inapplicables, ressortent du placard. Élection par le peuple, liste fermée de sept noms élue par l’assemblée sur un programme précis, Conseil fédéral à neuf membres, limitation à deux mandats, réduction à 5 membres mais dotés de18 ministres, 3 sièges garantis pour les minorités et les femmes… C’est dire si le désarroi est grand.

Il y a en même temps comme de la mauvaise foi à tirer sur cette ambulance-là. N’est-il pas dans le fond normal qu’avec un bassin de population aussi rachitique — 7 millions, la moitié d’une vraie grande ville — ce pays n’accouche pas de politiciens de talent à chaque coin de rue? Ce qui manque à la Suisse, ce n’est pas un système politique plus performant, mais des gens qui le soient. Un pays en manque de Merkel, en panne d’Obama.

À moins, et ce serait là l’autre excuse que pourrait faire valoir un gouvernement passé au travers de tout et qui a eu tout faux sur toute la ligne — mais c’est là exactement la thèse du fier colonel Kadhafi — à moins que la Suisse ne soit bonnement une cause indéfendable.