GLOCAL

A quoi bon être populaire

Face à la crise, Doris Leuthard est accusée d’amateurisme. Face aux coûts de la santé, nul besoin de rappeler le triste bilan de Pascal Couchepin. Mais un ministre est-il fait pour être aimé?

Des médicaments trop chers? Des chômeurs trop tendres? Pas de panique, Tonton Pascal et Tata Doris sont là avec leurs jolies potions magiques.

La cheffe du département de l’économie s’apprête ainsi à proposer un paquet de mesures contre le chômage des jeunes. A coups de quelque 400 millions, sous la forme entre autres de subventions de formation versées aux entreprises. Des petits malins font déjà valoir que les 68 milliards consentis pour sauver UBS ont surtout créé des cohortes de sans-emploi, la banque ayant depuis licencié au moins 2500 personnes.

Remarquons que, parmi les mesures de Doris Leuthard pour occuper les jeunes bras désoeuvrés par la crise figure aussi la possibilité d’augmenter le nombre de personnes en service long dans l’armée. Il fut un temps où, pour faire carrière dans la banque, il fallait être gradé à l’armée. Aujourd’hui, visiblement, pour faire carrière dans l’armée, mieux vaut avoir été dégradé d’une banque.

Côté santé, le docteur Couchepin a donc rendu son ordonnance, son paquet miracle pour enrayer les coûts de la santé, lesté de tous les onguents qui fâchent, dont la fameuse consultation taxée d’office trente balles. En laissant au parlement le soin de refuser ces mesures et donc d’assumer la débâcle de la politique de santé du gouvernement.

Certains grincheux pourtant entendent ne pas se faire duper de la sorte, comme la conseillère aux Etats Simonetta Sommaruga, par ailleurs, et surtout, présidente de l’organisation alémanique de défense des consommateurs. Elle estime le plan Couchepin trop timoré sur la question du prix des médicaments. Un plan qui vise une économie de 400 millions, alors que la Conseillère, elle, voit des économies potentielles de près d’un milliard.

Bref, sur les petites pilules, le grand Pascal n’en ferait pas assez. Simonetta Sommaruga brandit donc la menace d’une initiative populaire si 800 millions au moins d’économies ne sont pas effectivement réalisées. La frondeuse peut compter sur des soutiens de poids: les patients, les assureurs, la grande distribution. Et sur une stratégie claire: libéraliser plus largement l’importation des médicaments et ne rembourser pleinement que les meilleurs marché. Hautains, les services de Pascal Couchepin ont fait remarquer qu’ils n’avaient pas attendu la donneuse de leçons pour s’activer sur ce front-là.

Si la cote de Doris Leuthard reste parmi les plus hautes du collège gouvernemental, elle ne s’en érode pas moins jour après jour, sous la double mitraille du microcosme et des médias. On lui reproche en gros, et de façon de plus en plus insistante, d’avoir trop longtemps minimisé les effets de la crise. Une critique qui risque de lui coller aux escarpins — qu’elle a nombreux comme on sait — aussi longtemps que reste suspendu au nez de Pascal Couchepin le verdict d’incurable monomanie.

Les deux ministres vilipendés pourront néanmoins facilement se consoler en se disant que la popularité des Conseillers fédéraux repose sur des bases à peu près aussi pertinentes que celle des différents types de criminels. Un sondage du «Matin» révèle en effet, avec la question «Qui faut-il ficher?», que les pédophiles sont les délinquants les plus redoutés, devant les néo-nazis, les hooligans des stades, les casseurs dans les manifestations, les présumés terroristes et, fermant la marche, les chauffards.

Pas besoin cependant d’appeler l’Office fédéral de la statistique pour savoir qu’au nombre des victimes dont ils sont chaque année responsables, les automobilistes battent tout le monde — pédophiles et terroristes compris — à plates et sanglantes coutures.