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L’attaque pavlovienne contre l’assurance-chômage

En taillant dans les indemnités, alors que le nombre de sans-emploi s’apprête à exploser, le Conseil fédéral jette les canots de sauvetage
par-dessus bord en plein avis de tempête.

S’indigner pour des prunes, tempêter pour des clous, n’a rien de bien grave. Cela devient juste un peu indécent dans des périodes de moindre sérénité économique. Au hasard, celle que nous traversons actuellement.

L’extrême-gauche lausannoise n’a-t-elle ainsi rien de plus urgent à imaginer que défiler masquée pour protester contre la loi anti-cagoules visant à embarrasser les casseurs? Les analystes politiques n’ont-ils rien de plus grave à pourfendre que l’obole de l’UBS – 150 000 francs, moins que peanuts – acceptée, puis refusée, sous la bronca, par le président du PDC Christophe Darbellay?

Surtout que cette énergie protestataire, gaspillée à vitupérer contre de faux scandales, semble disparaître lorsqu’une vraie forfaiture pointe son vilain nez. On veut parler bien sûr du projet du Conseil fédéral, avalisé par le Conseil aux Etats, de tailler dans le gras de l’assurance-chômage.

Alors qu’une explosion de ce même chômage est programmée, peut-on vraiment se contenter de lever les bras au ciel? De trouver que bien sûr ce n’est vraiment pas le moment, que c’est même le pire moment, mais qu’il n’existe pas d’autre moyen, sous peine d’irresponsabilité quasi khmère, que celui de cisailler aveuglément un filet social majeur? De réduire la durée des indemnités tout en augmentant les cotisations des employeurs comme de leurs employés, au risque de paralyser la relance et la consommation?

Le slogan de la ministre de l’économie Doris Leuthard semble être dorénavant «cotiser plus, pour toucher moins». Au prétexte que l’assainissement de l’assurance-chômage ne pourrait pas attendre la fin de la crise. Curieux raisonnement qui exige des sacrifices ici, maintenant, en matière d’indemnités alors que le risque de devoir y recourir n’a jamais été aussi fort. Cela revient à retirer à l’assurance chômage ce pour quoi elle a été conçue, ce à quoi elle sert: être un parachute même pas doré, en cas de coups durs et de périodes troublées.

Si ce n’est pas par gros temps que l’Etat et la solidarité doivent jouer à plein, quand donc alors? Une assurance-chômage correcte en période de plein emploi ressemble à un canot de sauvetage flambant neuf sur un navire à quai, loin de toutes tempêtes. Ce qui est proposé aujourd’hui n’est pas moins absurde: se délester de quelques bouées en pleine mer au moment où toutes les météos annoncent un gros grain.

La socialiste Liliane Maury Pasquier l’a répété en vain devant le Conseil des Etats: «Ce projet a été lancé en période de vaches grasses. Et l’on continue comme si de rien n’était.» Même parmi la droite «casque à boulons», on a semblé entrevoir comme un malaise. «C’est la bonne direction, mais le moment n’est pas idéal», juge ainsi l’UDC Hannes Germann. D’autant moins idéal que ce même Conseil fédéral met en garde contre l’accalmie enregistrée en mai sur le front du chômage (-0,1%) et prédit 200’000 chômeurs d’ici à la fin de l’année, contre 135’000 actuellement. Le SECO, via son chef Serge Gaillard, va même jusqu’à annoncer «de prochains mois périlleux».

En affirmant froidement, comme le radical neuchâtelois Didier Burkhalter, que dans cette réforme «les mesures entre dépenses et recettes sont équilibrées», la droite renoue avec un travers qu’elle avait un peu abandonné à la gauche: le raisonnement purement idéologique, le vote la tête dans le sac, sans la plus petite considération pour la réalité du terrain. A savoir des entreprises qui rament et des emplois qui se fragilisent.

Bref une attaque pavlovienne, au nom de principes abstraits, – le dogme de la protection sociale qui devrait s’autofinancer à tout coup – contre des gens qui eux sont, ou seront, sans emploi, mais resteront curieusement bien vivants, bien concrets. A la stupéfaction sans doute de nos sénateurs et autres conseillers, au cas où quelqu’un voudrait les mettre au courant.