Alors que les bouchons coûtent plus d’un milliard par an à l’économie suisse, de nouvelles solutions permettraient de décongestionner le trafic. Panorama.
Rien de nouveau sur les routes, Pentecôte rime toujours avec embouteillages. Le prix à payer pour un week-end au soleil: des kilomètres de bouchons sur la rampe nord du Gothard à l’aller, sur la rampe sud au retour. Même topo sur tous les grands axes européen.
Selon l’Office fédéral des routes, quelque 33 millions d’heures sont perdues chaque année dans des embouteillages, ce qui coûte 1,2 milliard à l’économie suisse
«Pour le corps et l’esprit, le déplacement quotidien en voiture pour se rendre au travail représente une charge considérable.» Selon une étude scientifique qui vient d’être publiée, les pendulaires confrontés à des embouteillages sont soumis à un stress supérieur à celui des pilotes de Formule 1.
Pourquoi cette situation paroxystique de l’embouteillage? La faute à qui? Hier, sur le périphérique parisien, c’était la faute à Johnny et ses fans qui gagnaient le Stade de France mais aussi à Roger Federer qui remplissait le court central de Roland-Garros. «On n’a pas construit assez de pistes sur les autoroutes et en ville, il y a trop d’obstacles», maugréent ceux qui prétendent tout savoir.
Rien de tout cela, estime Ulrich Weidmann, spécialiste du trafic motorisé, qui avance une explication franchement osée. Pour ce professeur de l’EPFZ, l’engorgement général du trafic autoroutier serait la faute aux retraités. Pauvres vieux, de quoi ne les accuse-t-on pas? Vous en connaissez beaucoup, vous, des aînés qui prennent un malin plaisir à rouler précisément quand les jeunes partent au travail ou en reviennent?
Cet engorgement du trafic, dans les années soixante déjà, Ivan Illich le voyait venir, comme la conséquence paradoxale d’une quête effrénée de vitesse. Ses prévisions se réalisent. Le sociologue met en garde les adeptes de la vitesse pour la vitesse: «Il est urgent qu’ils comprennent que l’accélération appelée de leurs vœux augmentera leur emprisonnement et, qu’une fois réalisées, leurs revendications marqueront le terme de leur liberté, de leurs loisirs et de leur indépendance.» Nos voitures de plus en plus rapides avancent bel et bien au ralenti.
Les allergiques au goût de bouchon qui se tournent vers le train ne sont pas épargnés par l’expérience des ralentissements sur les quais de gare et les passages sous-voies complètement encombrés aux heures de pointes. Les CFF s’en inquiètent et comptent pouvoir les réduire grâce à une simulation entreprise par l’EPFZ permettant de réagir adéquatement.
Et quelle solution apporter au problème routier? A Broadway, on a opté pour une solution radicale: la suppression des voitures.
Avec l’arrivée des Verts dans les exécutifs communaux, bien des villes introduisent une vitesse limite faible et prônent une meilleure cohabitation avec les deux roues et les piétons. Depuis 2006, Stockholm expérimente avec succès un système mis au point par IBM permettant de décongestionner le trafic via un mode de paiement astucieux.
Une autre piste: les insectes sociaux que sont les fourmis ne font jamais d’embouteillage lors de leurs déplacements. A l’inverse de nos autoroutes où lorsque le trafic augmente on s’attend toujours à des bouchons, chez les fourmis, même quand le groupe se densifie, leur vitesse reste constante.
Publiés à Cologne par une équipe de recherche internationale (John A., Schadschneider A., Chowdhury D. et Nishinari K. “Traffic like collective movement of ants on trails: absence of jammed phase.” Physical Review Letters, 102, 108001, 2009), ces résultats montrent l’efficacité des comportements collectifs.
La clé permettant d’éviter les embouteillages passerait-elle par l’abandon de notre individualisme forcené?