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La Suisse importe massivement ses élites

Contrairement aux idées reçues, la majorité des immigrés qui arrivent en Suisse sont très qualifiés. C’est ce que révèle une étude récente. Une situation unique en Europe.

Où sont le «plombier polonais», la «coiffeuse slovène» ou le «chômeur slovaque»? Quatre ans après les accords de Schengen, ces figures apocalyptiques de la mondialisation triomphante n’ont pas envahi la Suisse.

Les immigrés qui débarquent — 50 000 par an, en moyenne depuis vingt ans — sont des cadres, des médecins ou des ingénieurs.

Les chiffres sont clairs: 58% d’entre eux possèdent un diplôme du degré tertiaire (Uni, HES, HEP, EPF), contre à peine 20% en 1990. Résultat: «Avec environ 30’000 diplômés du degré tertiaire par an, la Suisse importe autant de cadres qu’elle n’en forme», estime Xavier Comtesse, directeur romand de la fondation Avenir Suisse. C’est ce que révèle «Die neue Zuwanderung» («La nouvelle immigration»), un livre qui vient de sortir*.

«La vision de l’immigration discutée par les politiciens et la population tourne beaucoup autour de la criminalité et des clandestins, constate Boris Zürcher, membre de la direction d’Avenir Suisse et coauteur de l’étude. Ces thématiques sont très éloignées de la réalité. Aujourd’hui, les personnes qui viennent vivre dans notre pays sont surtout des cadres et non plus de la main-d’œuvre non qualifiée comme par le passé. Une situation unique en Europe.»

Signe de cette mutation: 60% des patrons des sociétés du SMI (Swiss Market Index) sont étrangers.

«Cette nouvelle immigration a débuté au milieu des années 90, estime Boris Zürcher. A cette époque, la crise économique a entraîné une profonde restructuration des entreprises suisses. L’industrie s’est modernisée et la demande en personnel qualifié s’est envolée. Les accords de libre-échange n’ont fait qu’amplifier un phénomène qui existait déjà.»

Pourquoi ne pas recruter les cadres en Suisse? La formation est montrée du doigt: «Les universités ne se concentrent pas assez sur des filières comme l’informatique ou les disciplines techniques dont les diplômés sont très demandés», estime Rudolph Minsch, chef économiste d’Economiesuisse.

«Pas si simple, lui répond la conseillère d’Etat fribourgeoise chargée de l’Education, Isabelle Chassot. Il y a quelques années par exemple, nous avons formé beaucoup d’informaticiens. Lorsque le marché s’est retourné, ils se sont retrouvés au chômage. La formation des cadres ne peut pas se piloter à court terme en fonction d’une demande conjoncturelle.»

«Il ne faut pas jouer un type de formation contre un autre, poursuit Josiane Aubert, conseillère nationale vaudoise et présidente de la Commission de la science, de l’éducation et de la culture. Nous avons besoin de gens bien formés à tous les niveaux. Les universités, HES et EPF ne forment pas assez de monde parce que le bassin de population suisse reste trop étroit pour répondre au boom économique que connaît le pays.»

Expérience internationale. Pour Stéphane Garelli, professeur à l’IMD à Lausanne, la raison est moins économique que sociologique:

«Aujourd’hui, les jeunes quittent la Suisse après leurs études afin d’acquérir une expérience internationale. Personnellement, je pense qu’ils ont tout à fait raison, parce que les multinationales sont très friandes de jeunes très mobiles. A contrario, les entreprises suisses se tournent vers l’étranger pour les remplacer. Ce phénomène est extrêmement positif, parce que les Suisses partis en Asie ou ailleurs reviendront avec beaucoup d’expérience et que les étrangers qui viennent ici représentent la crème de la crème.»

L’apport bénéfique de cette nouvelle immigration sur l’économie suisse est loué. «Les nouveaux arrivants ont créé beaucoup de croissance, souligne Boris Zürcher. Et, contrairement à ce qu’on pouvait penser, les inégalités n’ont pas augmenté. L’afflux de personnels qualifiés stabilise les salaires des cadres et le manque de salariés non qualifiés tend à augmenter les bas salaires.»

Reste à intégrer ces nouveaux immigrés haut de gamme. «En Suisse alémanique, rapporte encore la conseillère nationale Josiane Aubert, les habitants commencent à se plaindre qu’il y a davantage de médecins qui parlent le Hochdeutsch que le suisse allemand…» Et dire qu’on craignait le plombier polonais.