TECHNOPHILE

La robotique au service de la chirurgie

A Genève, un robot effectue avec succès des opérations chirurgicales complexes. La Suisse romande commence à se spécialiser dans ce domaine en pleine croissance du high-tech médical.

Avec ses 500 kilos et ses quatre bras articulés, c’est un chirurgien surprenant qui opère depuis deux ans aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Piloté par un médecin à l’aide de manettes et de pédales, le robot chirurgical Da Vinci effectue des opérations minimalement invasives de type laparoscopique: on évite d’ouvrir la cavité abdominale ou la cage thoracique en pratiquant de petites incisions qui laissent passer les instruments jusqu’à la région à opérer. «Les médecins retrouvent, grâce au robot, la richesse des mouvements et la vision tridimensionnelle qu’ils ont perdues avec la laparoscopie traditionnelle», explique Phillipe Morel, chirurgien aux HUG. Les bras mécaniques permettent de contourner des obstacles, de stabiliser les mouvements du médecin et également d’en réduire l’amplitude pour plus de précision, si désiré.

Pour Philippe Morel, ce robot qui a coûté près de deux millions de francs n’est pas un luxe. «Nous avons déjà réalisé plus de quarante bypass gastriques pour traiter des cas d’obésité aiguë en réduisant la taille effective de l’estomac. Nous le séparons en deux poches et reconnectons l’intestin sur la plus petite. Avec le robot, nous avons pu exécuter des sutures sur mesure, alors qu’auparavant, nous devions utiliser des agrafes qui pouvaient engendrer des complications parfois sévères dans 3 à 5% des cas. L’achat du robot se justifie médicalement mais aussi financièrement. Amortissement mis à part, l’utilisation du robot ne revient pas plus cher qu’une opération traditionnelle.»

Une opinion qui ne fait pas l’unanimité parmi les professionnels de la santé.

Philippe Morel collabore avec le Laboratoire de systèmes robotiques (LSRO) de l’EPFL, et travaille avec le logiciel d’imagerie médical Osirix, un outil de visualisation développé à Genève et qui s’est imposé au niveau mondial (lire notre article à ce sujet).

La Suisse romande pourrait-elle devenir un centre de compétence international dans le domaine du high-tech chirurgical? Philippe Morel le croit. «Il y a une synergie très forte entre les hôpitaux de Genève et Lausanne, l’EPFL et le Centre d’imagerie biomédicale, dit-il. De plus, la compagnie américaine Intuitive Surgical, qui fabrique le robot Da Vinci, a installé son siège des ventes internationales à Aubonne en 2007 et s’est montrée très disponible. Nous avons aussi approché des entreprises de micromécanique et d’horlogerie qui pourraient apporter leur savoir-faire dans les domaines des articulations, des rouages et de la résistance des matériaux.»

Comme l’horlogerie, la médecine robotique exige des valeurs bien helvétiques: innovation, précision et fiabilité. La Suisse ne manque donc pas d’atouts, d’autant qu’elle est aussi connue pour ses nombreuses cliniques privées, très prisées par la clientèle internationale.

Au LSRO, les équipes des professeurs Hannes Bleuler et Charles Baur travaillent sur les différentes parties du chirurgien-robot du futur. Xitact, une spin-off du laboratoire, rachetée entre temps par le groupe international Mentice, a conçu un système de réalité virtuelle modélisant des organes humains pour l’entraînement d’opérations de type laparoscopique. Le laboratoire fabrique également des interfaces haptiques — à savoir des «joysticks» avec retour de force qui font percevoir à l’utilisateur les forces ressenties par l’instrument qu’il pilote. Un projet vise à fabriquer de tels outils compatibles avec les champs magnétiques utilisés par les appareil d’imagerie IRM en neurologie. Le laboratoire développera également des robots miniatures dans le cadre du programme de recherche européen Araknes, qui vient d’être lancé. D’une taille d’un centimètre, ces microrobots seront introduits par la bouche et devront être capables de se stabiliser sur les parois de l’estomac au moyen de ballonnets ou de champs magnétiques extérieurs.

Le cardiologue genevois Vitali Verin de la clinique de Genolier s’est impliqué dans la mise au point de nouveaux outils pour soigner des cas d’arythmie cardiaque par ablation à l’aide d’un cathéter (un long tube flexible introduit dans des veines et des artères pour arriver jusqu’au cœur). Il vient de fonder Maestroheart SA pour développer, en collaboration avec Hannes Bleuler du LSRO, un système de manipulation de cathéters pour traiter la fibrillation auriculaire, l’un des troubles du rythme cardiaque les plus fréquents. Lorsqu’il travaillait aux HUG, il avait déjà fondé en 2003 Endosense SA, une start-up qui fabrique des sondes munies de senseurs de force permettant au chirurgien de retrouver une sensation de toucher. Ses concurrents directs sont américains: Hansen Medical a mis sur le marché en 2007 un système de sondes guidables mécaniquement, alors que Stereotaxis commercialise depuis 2006 l’appareil Niobe, qui permet de guider un cathéter grâce à des champs magnétiques appliqués à l’extérieur du patient et contrôlés par un bras robotisé.

Des médecins imaginent déjà le jour où ils pourront répéter une opération à l’avance, dans un environnement virtuel reproduisant exactement le corps du patient en question — comme un simulateur de vol incluant l’image de vrais aéroports. Ils pourront alors enregistrer l’opération parfaite, qui sera ensuite reproduite par un robot sur le patient et sous supervision du médecin. Mais l’idée d’un robot effectuant d’une manière entièrement indépendante une opération pré-programmée n’est pas encore à l’ordre du jour.

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Cet article est extrait de la 5è édition du magazine scientifique cialis buy australia réalisé par Largeur.com.