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Le dilemme des incidentalomes

Vous entrez chez le médecin pour un diabète, et vous en ressortez avec une tumeur. Que faire quand l’imagerie médicale révèle des présences silencieuses?

On ne trouve pas uniquement ce que l’on cherche lors d’un diagnostic. En médecine, les découvertes imprévues sont nombreuses et portent un nom: les incidentalomes, néologisme né de la contraction de l’expression anglo-saxonne «incidental tumor».

On parle aussi de masses asymptomatiques, ou de présences silencieuses. Si de telles découvertes sont de plus en plus fréquentes, c’est évidemment en raison de la multiplication des examens. Autre facteur: l’amélioration des techniques d’imagerie médicale, de plus en plus sensibles.

En témoignent les fins de comptes rendus des radiologues: «On ne peut pas exclure… », «Nécessité d’éliminer… », «A suivre de près… », «Imagerie à répéter dans 3 mois… », etc. Les anomalies sans rapport avec la symptomatologie pour laquelle l’examen radiologique avait été demandé sont particulièrement fréquentes dans le foie, les glandes surrénales, la thyroïde, les reins, les vaisseaux et l’hypophyse.

Les incidentalomes sont gênants. Ils posent des problèmes aujourd’hui sans réponses satisfaisantes. Dans les domaines mentionnés, il n’y a d’ailleurs pas de congrès qui n’intègre dans son programme des interventions en relation avec cette problématique.

Une des premières études concernant les incidentalomes portait sur l’IRM crânienne. Elle cherchait à évaluer la prévalence des incidentalomes à l’IRM chez des sujets sains. Un millier de volontaires avaient été recrutés. Or, sur les 1000 analyses, 180 montraient une anomalie. Depuis, bien d’autres publications ont mis en évidence des taux de prévalence pouvant aller jusqu’à 50%, par exemple dans les nodules thyroïdiens chez des personnes âgées.

Il n’est pas étonnant d’entendre des personnes craindre de consulter. «Que va-t-il encore me trouver?» ou «Je consulte mon médecin pour régler mon diabète et je ressors avec un cancer» sont des remarques courantes. Le développement de l’échographie fœtale n’a-t-il pas généré des futurs parents non soulagés par un dépistage, mais accablés par d’éventuelles pathologies de leur enfant?

Comment gérer les incidentalomes? Qu’en faire, sachant que la plupart d’entre eux sont bénins? Convient-il d’avertir le patient? Quand intervenir? Une mise en balance des avantages potentiels d’un traitement précoce ou d’une intervention chirurgicale s’impose, en tenant compte des risques potentiels et du surcoût liés à un traitement inutile.

On ne dispose d’aucune indication sur l’impact économique de ces découvertes fortuites. Quant au coût humain, il est énorme. Le fait d’apprendre que vous avez peut être une tumeur cérébrale alors que vous consultiez pour une migraine atypique provoque un véritable choc.

Côté corps médical, l’inquiétude est grande également. Par crainte des poursuites judiciaires, certains praticiens tentent de se couvrir en demandant des examens supplémentaires. Un zèle onéreux parfois utile au malade.

Un nouveau chapitre de la médecine est né. Il consiste à diagnostiquer des découvertes potentiellement dangereuses pour lesquelles le sujet n’avait ni symptômes, ni pathologies à l’examen physique.

Au chapitre des bénéfices, on retiendra un traitement plus précoce de problèmes jusque là occultes. Mais, comme pour la plupart des avancées technologiques, leur application au diagnostic médical contribue à accélérer l’inexorable spirale des coûts de la santé.

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Une version de cet article est parue dans le magazine Reflex de juin 2007. En vente en kiosques.