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Fleur de marronnier et dogue des Canaries

Gloire au chien Maximus et aux squatters genevois. Sans eux, c’eut été taux unique de TVA pour tout le monde. Revue d’actualités suisses estivales.

Il s’appelle Maximus. C’est un chien, un gros, un pas beau, un réputé méchant. Une sale race. Un dogue des Canaries, «chien de montagne de type molossoïdes ibérique». Impliqué dans trois agressions, il aurait du subir la sentence fatale, en vertu des nouvelles réglementations. Mais le Tribunal fédéral l’a gracié, à condition qu’il soit séparé de son maître jugé inapte. S’en est suivi, on le sait, un mini feuilleton –kidnapping de la bête par le susmentionné inapte.

Une bien belle histoire, au cœur d’un été vide comme tous les étés. Pourri, pas pourri, c’est égal, que serait la belle saison sans les héros anonymes qui décident de ne plus l’être?

Gloire donc à Maximus. Ou à Rhino. Lui et les squatters genevois, coincés entre un maillot jaune aux relents de pharmacie et une tragique Jungfrau, permettent d’éviter d’avoir à choisir, comme gâterie médiatique, entre les marronniers (ces sujets qui reviennent régulièrement dans les moments creux, recyclés année après année) ou une actualité politique proche de l’encéphalogramme plat.

On vient ainsi d’apprendre, pour au moins la dixième fois en deux ou trois ans, que les blonds sont en voie d’extinction pour cause de métissage accéléré. Une information pas fraîche du tout, guère avérée scientifiquement et annoncée pourtant, il y a quelques jours, en une, non pas du Sun, mais du journal Le Monde. Puis largement reprise ailleurs.

Titres et illustrations donnent d’ailleurs curieusement à penser que cette prochaine et spectaculaire disparition concernent d’avantage les blondes que les blonds.

Mais gloire aussi finalement à cette blondeur menacée. Outre le plaisir simple d’apprendre ce que l’on sait déjà, voilà qui est au moins aussi intéressant que l’actualité brûlante proposée par la politique fédérale. Qu’avons-nous en effet à nous mettre sous nos pupilles lasses, délavées par les orages?

Le taux unique de TVA proposé par Hans-Rudolph Merz, soutenu par le parti radical et les milieux économiques, chaque branche d’ailleurs bataillant en faveur de son taux idéal à elle: 5,5 %, 6 %, 6,4%, avec chaque fois des sous-variantes comportant des exceptions ou n’en comportant pas. Pas de quoi troubler la torpeur sereine des mobilhomes ni des chalets d’alpage.

Oh, il y a bien, certes, le coup de gueule lancé par l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) contre l’Office fédéral des migrations (ODM) accusé d’être trop sévère à l’égard des requérants sans papiers. Mais là aussi flotte comme un parfum de fleurs de marronniers. C’est le contraire qui aurait été intéressant, neuf, remarquable, palpitant. Que la politique de l’ODM se soit assouplie, qu’il soit devenu moins ardu pour les requérants débarquant aux frontières sans documents valables, d’accéder à une procédure d’asile. Que cela devienne au contraire de plus en plus difficile ne tirera par contre personne de sa béatitude vacancière.

Ah, on allait oublier l’apparition ex nihilo de groupes et groupuscules, à l’orée des élections, qui tous s’approprient l’un des deux vocables en vogue, ou les deux : Ecologie Libérale, les Verts Libéraux, les Libéraux sociaux, le Forum libéral du centre, etc. L’élu 2007 sera libéral ou écologiste, ou les deux. Ou ne sera pas. Sale temps pour les étatistes pollueurs. Mais pas le plus petit frémissement sous les parasols.

Alors oui, gloire à Maximus, gloire aux parasites de Rhino qui ont permis aux honnêtes gens, frustrés d’avoir eux à payer leur loyer, de lâcher leur bile, de s’offrir une forte et saine indignation, qu’ils soient sont correspondants locaux du Matin ou avocats de foire comme Carlo Poncet. Et de nous distraire au passage, nous le public clairsemé, héroïque, d’une offre estivale médiatique largement sinistrée.

Mais confiance, le bout du tunnel est là, plus vite que prévu. Gloire en effet, et enfin, à Micheline Calmy-Rey et aux nazillons décervelés qui s’apprêtent à nous concocter un 1er août autrement plus corsé que les habituels lampions et maigres feux patriotiques, dits justement d’artifice.