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Adem et les globules rouges

L’employé kosovar de Bassins en apporte la preuve: face à la bureaucratie, un comportement exemplaire ne pèse pas lourd. Pendant ce temps, Couchepin plaide pour le droit du sol.

Ainsi donc, il avait menti. Haro, et carton rouge distribué avec morgue par un ancien arbitre, Philippe Leuba, reconverti depuis en Conseiller d’Etat libéral. Oui, Adem, le chouchou de Bassins, cet employé kosovar et néanmoins modèle de la petite commune vaudoise, menacé d’expulsion mais soutenu par la population et les autorités locales pour cause d’intégration parfaitement réussie et dévouement infaillible, Adem n’est rien qu’un vil tricheur.

Sifflet du bon droit à la bouche, Philippe Leuba en apporte la preuve: Adem, après une première demande d’asile rejetée en 1996, avait touché une aide au retour — une véritable fortune, 1600 francs — et était rentré au Kosovo. Avant de revenir clandestinement, puis d’obtenir une place d’employé communal à Bassins.

«Il a trahi la Confédération suisse!» s’étrangle Philippe Leuba qui, lui, doit toucher mensuellement 10 fois le montant de l’unique aide octroyée à Adem. Sans doute, le magistrat préfère-t-il le cas de figure d’un requérant respectant à la virgule près la kafkaïenne procédure d’obtention de l’asile mais dont le comportement sur le terrain serait très loin d’avoir l’exemplarité de celui démontré par Adem.

Toute proportion gardée, cette affaire peut rappeler le cas de Ayaan Hirsi Ali, la députée hollandaise d’origine somalienne qui avait accédé à une notoriété mondiale en dénonçant la violence faite aux femmes par l’islam extrême. Et qui s’est vu déchue de sa nationalité hollandaise après avoir reconnu qu’elle avait menti, il y a quelques années, sur son identité pour obtenir le droit d’asile.

Or le gouvernement néerlandais, devant le tollé provoqué au parlement et à l’étranger, a fait machine arrière, rétablissant Ayaan Hirsi Ali dans ses droits de citoyenne. Au motif que les mensonges de l’époque pouvaient être considérés comme mineurs eu égard au parcours ensuite accompli.

A l’aune de l’exemple hollandais, Philippe Leuba, homme en noir très contesté au temps où il officiait sur toutes les pelouses du pays, peut être considéré comme un récidiviste obstiné dans l’art de siffler des penaltys douteux.

Au même moment, Pascal Couchepin lâche, comme chaque quatre ans, son habituelle bombinette pré-électorale. En 2003, père fouettard, c’était la retraite à 67 ans. Aujourd’hui, père Noël, voici le droit du sol. Autrement dit l’octroi automatique de la nationalité suisse à tous les enfants naissant sur le territoire, quelle que soit l’origine des parents. Pourvu qu’ils y soient établis de manière durable, en possession donc au moins d’un permis C.

Un fantasme de gauche, voire d’extrême gauche, qui n’effarouche pas le bon Pascal mais rend furieux les caciques du parti radical, son président Pelli en tête, bien conscient de l’impopularité d’une telle proposition dans la population.

L’inénarrable Jacques Neyrinck vole bruyamment au secours de Couchepin avec cet argument sans réplique, dans Le Matin, du genre poser la question, c’est y répondre: «Existe-t-il des globules rouges à croix blanche?»

Couchepin, il est vrai semble traverser ces jours une crise de gauchisme purulent. Dans L’Hebdo, il ose ainsi prendre de très haut la sacro-sainte terre à bouses de Grütli. Il affirme qu’il n’y mettra pas les pieds, ni aujourd’hui ni demain, que cette prairie mythique n’est qu’un fantasme né du romantisme des 18 et 19ème siècle, et que de toute façon, le fameux pacte, ce n’est sûrement pas là qu’il a été signé.

Heureusement que Micheline la Rouge est là pour remettre en selle un patriotisme de pacotille: «Oui, je continuerai à me battre pour que le 1er Août puisse être fêté ici. Ce n’est pas une victoire pour moi. C’est un devoir.»

Au prétexte que «c’est à partir du Grütli que se sont développés tous les concepts fondateurs de la Suisse». Et la présidente de la Confédération de citer en vrac «la Suisse multiculturelle, la démocratie directe, le fédéralisme». Tout cela par la grâce et l’inspiration de trois garde-bestiaux waldstätten? Allons donc!

Pour Adem et les autres, être suisse, c’est plus simplement en faire la preuve. La preuve par l’acte, quotidienne, loin des histoires de sang et de globules, loin du Grütli et des chausses trappes de la bureaucratie. En s’y comportant de manière exemplaire. En y faisant des enfants. Bêtement.