LATITUDES

Fini les lunettes, grâce au laser

La chirurgie réfractive permet de corriger la vision des myopes et des hypermétropes. Plusieurs techniques existent. Reportage dans une clinique genevoise, et conseils du spécialiste.

François Paul Journe, célèbre horloger genevois, affiche un grand sourire à la sortie de son opération des yeux: «Je me suis fait opérer les deux yeux, l’un après l’autre, à quatre semaines d’intervalle. Retrouver une vision parfaite, cela m’a semblé essentiel pour mon métier. Pendant près de 40 ans, j’étais hypermétrope sans le savoir. Je ne souffrais pas vraiment et je voyais bien car mes yeux corrigeaient ce défaut tout seul. Mais cela me fatiguait de plus en plus. A 38 ans, j’ai commencé à devoir porter des lunettes. Désormais, c’est fini.»

La procédure n’a pris qu’une dizaine de minutes. Son œil est un peu rougi, et pique légèrement, mais il n’a pas mal. Le liquide anesthésique lui trouble encore la vue. Dans quelques heures, quand le produit aura cessé d’agir, il aura retrouvé une vue parfaite.

«L’hypermétrope fatigue le muscle qui joue le rôle d’autofocus de l’œil, explique le Docteur Bijan Farpour, qui vient d’opérer François Paul Journe. Vers 40 ans, la vision devient progressivement floue, surtout de près. En corrigeant la courbure centrale de la cornée, l’opération redonne une vue parfaite à la personne hypermétrope.» Le myope, lui, souffre du problème inverse: il ne voit pas bien de loin. «Outre l’hypermétrope comme François Paul Journe, le jeune myope est donc un autre candidat idéal pour l’opération au laser s’il a entre -1,5 et jusqu’à -10 de dioptrie. C’est en général autour de 25 ans que la myopie se stabilise. Cependant, en raison des coûts de l’intervention, ceux qui se font opérer ont souvent plus de 30 ans. Le myope bénéficie énormément de l’intervention puisque, une fois opéré, il pourra voir de loin, sans lunettes, toute sa vie.»

La chirurgie réfractive fonctionne au moyen d’un rayon laser qui va sculpter la cornée et en modifier la courbure, corrigeant ainsi la vision. En aplatissant le centre de la cornée au moyen du laser, on corrige la myopie. Pour soigner l’hypermétropie, le laser est appliqué au bord de la cornée, ce qui bombe son centre. L’astigmatie (axes) est aussi corrigée pendant la même intervention.

«Cette technique est née en Europe il y a plus de 25 ans, poursuit le Docteur Farpour qui a ouvert la clinique Vision Laser à Chêne Bourg (GE) en 2003. Elle a eu le temps de faire ses preuves puisque des millions de patients ont été ainsi soignés dans le monde. Le recul est désormais important: des études scientifiques récentes confirment que la vision reste stable dans le temps. De plus, la technologie s’est considérablement perfectionnée avec les années.» La clinique genevoise Vision Laser opère plusieurs centaines de patients par année et figure parmi les centres les plus importants du pays.

Deux techniques différentes d’opération laser sont utilisées, en fonction des caractéristiques de l’œil du patient. L’une consiste à appliquer le laser directement sur la cornée (la méthode PRK). Relativement simple, cette méthode offre l’avantage de minimiser les risques d’infection. Son désavantage, c’est qu’il faudra attendre quelques semaines avant de retrouver une vision parfaite. L’autre méthode, baptisée Lasik, consiste à découper et soulever un petit volet sur la cornée. Le laser s’applique sous ce volet, refermé ensuite. Cette méthode, qui ne peut être appliquée que sur des candidats dont la cornée est suffisamment épaisse, permet une récupération immédiate: le patient retrouve une vue parfaite quelques heures à peine après l’opération. Spectaculaire.

Avant une telle intervention, le patient doit effectuer un bilan préopératoire sous la forme d’une série de tests. «Nous utilisons des appareils très précis et performants qui mesurent notamment l’épaisseur de la cornée et les irrégularités de la surface de l’œil. Le taux de réussite de l’opération est très élevé, mais nous n’opérons pas tout le monde. Après examen, environ un quart des candidats ne sont pas opérés. Dans la plupart des cas parce que leur cornée est trop fine ou irrégulière. Nous sommes très exigeants pour le bilan préopératoire, ce qui nous permet d’éviter les complications.»

Très courante aux Etats-Unis, en Australie et en Amérique du Sud, l’opération des yeux reste peu pratiquée chez nous. «Les Suisses sont frileux, sourit Bijan Farpour. En Europe, on la pratique davantage au sud, notamment en Espagne.» Les raisons sont aussi économiques, car les assurances ne remboursent pas l’intervention et le prix est relativement élevé: entre 2000 et 2800 francs par œil en fonction des cliniques.

Il faut cependant prendre en compte ce que dépense la personne myope, au fil des années, pour les lunettes ou les verres de contact qu’elle n’aura plus besoin d’acheter après l’intervention. Certaines assurances complémentaires, qui remboursent une paire de lunette tous les deux ans, commencent d’ailleurs à considérer la prise en charge de l’opération au laser.

Les tarifs étant beaucoup moins élevés à l’étranger, certains Suisses n’hésitent plus à s’offrir un voyage en même temps que cette intervention chirurgicale. Ce tourisme médical a d’ailleurs été souvent médiatisé (le dernier exemple en date étant la journaliste du magazine L’Hebdo qui racontait l’an dernier sur plusieurs pages son opération oculaire, bon marché et réussie, en marge de ses vacances en Inde).

«Bien sûr, on trouve de bons praticiens ailleurs dans le monde, reconnaît le Docteur Farpour. Mais il faut savoir que la préparation et le suivi post-opératoire sont très importants dans le processus. On ne peut pas garantir ces étapes de la même manière lors d’un bref séjour dans une clinique indienne. D’ailleurs, nous avons déjà traités des patients pour des complications suite à une intervention à l’étranger. N’oublions pas qu’il s’agit d’une chirurgie délicate.» On peut bien sûr choisir d’aller moins loin, à Grenoble ou à Lyon par exemple, mais les différences de prix sont alors inférieures.

L’opération au laser séduit de plus en plus de monde. Cependant, la presbytie guette tout le monde après un certain âge et la chirurgie au laser n’y apporte pas de traitement satisfaisant pour l’instant. «D’ici à quelques années, de nouvelles techniques, dont l’implantation d’un cristallin souple, permettront peut-être de dispenser les presbytes de lunettes.» François Paul Journe, 50 ans, se réjouit déjà: «Je n’hésiterai pas à faire une telle opération. Bénéficier d’une vue optimale sans lunettes, à tout âge, c’est un confort extraordinaire.»