CULTURE

Les livres, c’est pour les femmes (mais pas pour Victoria Beckham)

Voici la rentrée littéraire et ses centaines de nouveaux titres qui envahissent les librairies. Mais qui donc les lira? Réponse: une écrasante majorité de lectrices. Explications.

Victoria Beckham n’a jamais lu le moindre livre. Dès qu’elle a cinq minutes devant elle, elle préfère écouter de la musique ou feuilleter un magazine de mode.

On déduit de cette révélation que l’ex Spice Girl n’a lu ni «Learning To Fly», sa propre autobiographie, ni celles de son célèbre mari!

Une fois n’est pas coutume, Victoria apparaît en total décalage avec une tendance lourde de l’époque: la féminisation des pratiques culturelles.

Je viens d’ailleurs d’interroger quelques libraires romands et alémaniques en leur posant la question: «Combien avez-vous de clientes pour un client?» Ils hésitent. Entre deux et quatre. En jetant un regard autour de soi dans une quelconque librairie, on a la confirmation visuelle immédiate de cet écart flagrant entre les sexes.

Côtés bibliothèques aussi, les dames supplantent largement les messieurs. Celle de Porrentruy publiait la semaine dernière son rapport. 74% de ses usagers sont des femmes. Ce qui ne constitue en rien une exception. Une étude française — «La féminisation des pratiques culturelles» — atteste de ce que l’on supputait. Les femmes lisent chaque année quatre à cinq ouvrages de plus que les hommes, lesquels semblent déserter le champ littéraire.

Elles lisent davantage de romans (sauf les policiers) alors qu’ils sont surtout amateurs de polars et de science-fiction; ils ont aussi une préférence pour les revues politiques, économiques et techniques. En quarante ans, le nombre d’hommes lisant au moins 25 livres par an a baissé de moitié.

Diverses initiatives ont été lancées pour tenter de ramener les hommes à la lecture. Exemple, la Bibliothèque des Jeunes de Delémont, qui lance, dès cet automne, une opération de séduction originale auprès des garçons de 12 à 16 ans, les plus difficiles à satisfaire (à la lecture, activité solitaire et silencieuse, ils préfèrent les activités entre amis, tels que le sport, le cinéma et les jeux vidéos).

Cette bibliothèque jurassienne vient donc de publier une bibliographie qui s’adresse exclusivement à ce public cible. Intitulée «Romans pour Arthur, Félix, Tom et les autres, un choix de livres pour les garçons», cette liste énumère des bouquins dont la couverture porte le logo «interdit aux filles». Cela suffira-t-il à titiller leur curiosité?

La féminisation ne concerne pas seulement la lecture mais s’étend à toutes les pratiques culturelles. L’intérêt des femmes pour l’art et la culture est aujourd’hui supérieur à celui des hommes. Elles sont majoritaires dans les salles de concert de musique classique, les spectacles de danse ou de cirque, les théâtres, les musées et les lieux d’exposition. Elles sont plus nombreuses à s’intéresser aux contenus culturels à la télévision ou dans la presse et s’engagent davantage dans les activités artistiques.

Le désir de culture étant étroitement corrélé au niveau scolaire, parmi les facteurs explicatifs de cette féminisation, l’étude française fait figurer, au premier rang, l’accès aux études plus aisé pour les femmes depuis ces dernières décennies.

Et l’accès à l’informatique, qui n’est pas mentionné, ne joue-t-il pas lui aussi un rôle important? Dans ce contexte, un décalage entre hommes et femmes est aussi repérable. On ne peut être à la fois devant son PC, lire un livre ou aller au spectacle…