KAPITAL

L’émergence du marché de l’étanchéité

Les récentes inondations vont-elles donner des idées aux industriels? Le malheur des uns faisant souvent le marché des autres, on risque bien de voir apparaître de nouvelles inventions comme le système zurichois Nautilus.

Qu’elles soient craintes ou vécues, les grandes catastrophes génèrent souvent des marchés de niche. Après la menace nucléaire (et les abris antiatomiques), après les tremblements de terre (et les matériaux antisismiques), après les attentats du 11 septembre (et les kits de survie), les récentes inondations pourraient elles aussi voir émerger un nouveau marché: celui de l’étanchéité.

Jusqu’ici, le waterproof concernait des montres achetées par des clients plus souvent sous leur parapluie qu’en plongée sous-marine; des vêtements de sport exhibés par Mike Horn et portés par d’élégants urbains; des chaussures à la Michel Desjoyeaux sur son voilier et appréciées par la clientèle des boîtes de nuit; des mascaras résistant aux larmes de crocodile. Bref, la garantie d’étanchéité qualifiait des objets pas vraiment indispensables à la survie.

Au lendemain des inondations, ce label pourrait bien s’étendre au secteur des équipements immobiliers. Une chance pour Karl Weber, de Wetzikon, qui avait déposé il y a une dizaine d’années un brevet resté sans succès.

Selon cet inventeur, les propriétaires immobiliers auraient pu être beaucoup mieux préparés aux récentes inondations suisses. «Pour la protection des maisons, dit-il, on a recouru à des moyens improvisés tels que sacs de sable, planches d’échafaudage ou bâches de plastique». On aurait pu faire mieux.

Le designer industriel et inventeur zurichois a développé un système permettant d’étanchéifier portes d’entrée et fenêtres. A en croire ses déclarations au Tages-Anzeiger, son invention est bien plus efficace que tout ce qui a été mis sur le marché jusqu’ici.

L’idée de «Nautilus», le nom donné à son invention, a surgi alors qu’il habitait Bonn, au milieu des années 1990. Le Rhin avait débordé à plusieurs reprises et Karl Weber avait pu observer des gens paniqués courir dans les centres de bricolage pour acheter lattes et bâches, espérant ainsi se protéger.

Il a alors inventé une plaque synthétique maintenue sur les ouvertures avec des prolongements métalliques. Un tube gonflable assure l’étanchéité sur les bords mais également dans les angles souvent problématiques. Son invention s’installe en une vingtaine de minutes.

Va-t-elle intéresser de nouveaux investisseurs?

Au début du mois, on apprenait le rachat de la société Illbruck (un des premiers fabricants de produits d’étanchéité destinés aux applications de fenêtres et de portes) par la firme Tremco, de Medina (Ohio). Commentant cette acquisition, Frank C. Sullivan, son PDG, expliquait s’être fixé comme objectif une visibilité accrue de ses activités dans le monde. La nature déchaînée vient de lui donner un sérieux coup de pouce.

Selon certais observateurs, les assurances immobilières ne seront bientôt plus en mesure de couvrir les dégâts d’eau.

L’évolution du climat devrait faire réfléchir les industriels et les pouvoirs publics.

Hans-Peter Schnüriger, commandant des pompiers et de la protection civile de la ville de St-Gall, vient d’intervenir avec ses troupes à Weesen au bord du lac de Walenstadt. Quand on lui demande ce qu’il pense de dispositifs d’étanchéité, il se montre très sceptique. Il a vu des caves et des appartements remplis de gravier, dont les portes et fenêtres n’auraient résisté à aucun dispositif, tant la pression était grande.

«Le problème doit être solutionné en amont, dit-il. Il s’agit d’améliorer les lits des rivières et des fleuves qui datent pour la plupart de la fin du XIXe siècle. De tels travaux doivent s’accompagner de la construction de bassins de rétention. Voilà la solution idéale.»