LATITUDES

L’anglais des non-anglophones

Créer une langue universelle a été tenté à plus de mille reprises depuis le Moyen Age. Une nouvelle tentative apparaît: le global english, déjà très populaire. Do you speak globish?

Après les 1200 photos de Point it, voici les 1500 mots magiques qui permettraient de communiquer dans le monde entier.

Si Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, je me débrouille plutôt bien dans une langue dont j’ignorais il y a peu l’existence: le globish. Je dois cette découverte à la publication et à l’acquisition d’un ouvrage dont la couverture a su m’intriguer: «Oubliez les méthodes de langue, découvrez le globish»

Aux 16ème siècle, l’empereur Charles Quint disait qu’il parlait italien aux femmes, français aux hommes, espagnol à Dieu et allemand à son chien. S’il vivait aujourd’hui, il compléterait par: «Je parle globish lorsque je voyage ou fais du commerce».

Le globish se pratique en effet dans la plupart des aéroports du monde. Quand, à Hong Kong, un Hongrois rencontre un Japonais, il s’adresse à lui dans un sabir que comprend difficilement un Londonien ou un New-Yorkais: c’est du globish. Le terme a été déposé par Jean-Paul Nerrière en 2004.

Selon les trois auteurs de l’ouvrage «Découvrez le globish», plus besoin de maîtriser l’anglais ou l’américain. Le globish suffit partout! Grâce à ce «global english», anglais allégé, avec 1’500 mots essentiels, une construction élémentaire mais correcte et une prononciation efficace, on se débrouille où que l’on soit sur la planète.

Alléchant au premier abord, cet anglais allégé se mue rapidement en source de frustration. La technique révolutionnaire de prononciation annoncée en quatrième de couverture ainsi que les compléments pédagogiques téléchargeables gratuitement sur internet ne m’ont pas convaincue.

J’ai l’impression d’avoir été piégée. Ce bouquin qui se targue de ne pas être une méthode y ressemble étrangement. «My taylor is rich» a disparu, remplacé par «My car is washed by my employee». C’est le lecteur qui semble être riche. Le prix des choses lui importe peu, d’où l’absence assez bizarre de «bon marché» et «cher» dans le vocabulaire! Bref, je n’ai pas croché.

Mais pourquoi s’entêter à gravir la Tour de Babel? Bien inspirée, l’année dernière, je me suis acheté le «PolyGlob, 15 000 mots pour entrer en contact avec tous les habitants de la terre». Même couverture «démago» que celle du globish mais un contenu qui ne déçoit pas.

On y trouve des mots et expressions bien utiles, déclinés dans 62 langues, de l’afrikaans au zoulou, du japonais au wolof.

De passage à Kiev, quel plaisir mêlé de fierté en sortant: «prochou tché ya mozi pomoti vame?» (prononciation française de «s’il vous plaît pouvez vous m’aider?» en ukrainien). Sans dire grand chose, on éprouve alors l’agréable sensation de se rapprocher bien davantage de son interlocuteur qu’en discourant des heures en globish.

Le moyen de communication universel n’est d’ailleurs pas forcément langagier.

Kofi Annan, en déclarant 2005 «Année internationale du sport et de l’activité physique», estime que le sport est la langue universelle. Serait-ce Adolf Ogi qui lui aurait soufflé l’idée? Avant lui, nombreux sont ceux qui ont vu dans la musique cette même vertu.

Enfin, le langage des signes, pratiqué par les sourds sur toute la planète, fait des envieux parmi les entendants. Faut-il en conclure qu’on se comprend mieux quand on ne s’entend pas?