TECHNOPHILE

«Nous entrons dans un nouvel âge du numérique»

Pour Daniel Borel, fondateur de Logitech, l’ordinateur devient secondaire au profit des périphériques qui voyagent avec nous.

Assis devant les ordinateurs du monde entier, on verra de plus en plus d’usagers avec un casque sur la tête, un micro devant la bouche et une caméra devant les yeux: depuis le début du mois d’avril, la messagerie MSN de Microsoft intègre la visioconférence. Certes, les messageries instantanées (aussi bien celles d’AOL, de Yahoo ou de Microsoft) permettaient déjà de transmettre une image de webcam parallèlement au texte. Mais dans sa version 7.0, MSN va plus loin en synchronisant images et son de manière incroyablement fluide.

C’est en partenariat avec l’entreprise suisse Logitech que Microsoft a lancé cette technologie. Le numéro un de la souris s’est imposé aussi sur ce marché et a récemment vendu sa 25 millionième webcam. Logitech vient de clore (le 31 mars) une année historique avec un chiffre d’affaires en progression de 17% à 1,48 milliard de dollars.

Quelques jours après l’annonce de cette septième année record consécutive, le fondateur de Logitech, Daniel Borel, a reçu Largeur.com au siège européen de la multinationale à Romanel-sur-Morges.

Comment s’est établi ce partenariat avec Microsoft?

Nous avons financé, puis racheté, SpotLife, une entreprise basée aux Etats-Unis, spécialisée dans le streamingvidéo nécessaire notamment à la visioconférence. Le logiciel et l’infrastructure développés par SpotLife correspondaient parfaitement aux besoins de Microsoft pour adapter son Messenger à la visioconférence. Nous avons donc mis à disposition l’infrastructure, y compris les serveurs vidéo, en échange d’une présence publicitaire: un logo Logitech apparaît lors du lancement de chaque session de visioconférence.

Logitech y gagne uniquement en termes d’image?

Outre la présence de la marque, nous pensons que l’intégration de la visioconférence dans MSN Messenger dopera de manière significative la vente de webcams, marché que nous dominons, et de headsets (casque-micro). C’est un fonctionnement viral: une fois qu’un de vos correspondants transmet son image, vous voudrez faire la même chose. A noter que Messenger compte 140 millions d’usagers et que 2 milliards de sessions sont lancées chaque année…

On parle depuis quinze ans de visioconférence: par téléphone, puis sur internet. La technologie semblait au point sans que le marché n’ait jamais pourtant vraiment décollé…

Pour qu’une technologie atteigne une forme de maturité, il faut réunir la facilité d’utilisation et d’installation, la base d’usagers et un prix accessible. Parfois, une technologie qui fonctionne prend plus de temps que prévu à s’imposer. Avec l’intégration dans MSN 7.0, la visioconférence devient intuitive, touche des millions d’usagers, le tout gratuitement car de plus en plus d’usagers bénéficient déjà d’une ligne à haut débit. Bingo!

Quelles autres avancées technologiques anticipez-vous?

Je pense que nous entrons dans un nouvel âge du numérique: les supports digitaux, qui étaient déjà partout, s’intègrent désormais de manière conviviale et facile pour l’usager. De plus en plus, l’ordinateur devient secondaire: il fonctionne comme une unité de stockage, un serveur central, alors que des périphériques plus légers voyagent avec nous. L’iPod illustre parfaitement cette tendance. Ce même affranchissement de l’ordinateur interviendra ailleurs: par exemple notre MediaPad, une extension de clavier qui fonctionne comme une télécommande pour l’ordinateur, s’étendra à toute la maison. «It’s the mouse of the house!» Une interface simple et unique de ce genre permettra de commander l’ensemble de notre environnement digital à la maison, du chauffage à la télévision.

Par extension, le téléphone mobile ne pourrait-il pas jouer ce rôle d’interface?

A part le couteau suisse, je ne connais aucun appareil qui réunisse élégamment plusieurs fonctions. Je vois le téléphone mobile essentiellement comme une passerelle vers le réseau. Pour le reste, chaque application nécessite une interface différente: le même appareil ne peut pas servir pour parler, écrire un mail, voir un film et écouter de la musique. En fonction des besoins, on relie un casque, un écran ou un clavier sans fil à un appareil qui peut être un PC, un téléphone ou je ne sais quoi. Cela ne changera pas, même si les téléphones intègrent de plus en plus de fonctions. On utilisera cependant davantage le mobile comme une unité de mémoire portative, pour prendre avec soi de la musique, des photos, des films. Relié à des interfaces extérieures sans fil, il restera de plus en plus dans la poche…

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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 25 avril 2005.