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La malaise radical, de Bender à Masoni

Comment va le Parti radical? Deux pantins romands amusent la galerie pendant que la droite dure s’apprête à mettre la main sur un troisième siège au Conseil fédéral.

Ne sont-elles pas étonnantes, les réactions romandes suite au congrès radical du 21 août dernier? Depuis des jours, on nous inflige des commentaires sans fin sur la «surprenante» victoire de Léonard Bender dans la course à la vice-présidence du parti et sur l’échec de son concurrent direct (et grand favori des médias) Charles Favre. En oubliant ce qui se profile derrière ce jeu de jambes.

On essaie de profiler Bender en militant, en homme de terrain alors que les élections fédérales de l’automne dernier ont prouvé le contraire. Malgré le soutien voyant de la télévision et de la radio romandes, il a misérablement échoué face au terne Jean-René Germanier, inconnu des rédactions lémaniques, mais champion des carnotzets et des poignées de mains.

Comme tous deux sont issus de dynasties de notables radicaux valaisans, force est de croire que le plus militant des deux, le plus apte à occuper le terrain, n’est pas celui que l’on chante aujourd’hui.

Voilà qui ne va pas améliorer les situation des radicaux romands. Ils ont, pour survivre, un urgent besoin de se renouveler, d’élaborer une ligne politique convaincante et de reconquérir un électorat qui leur tourne le dos. Or ce ne sont pas les discours du souriant Bender qui ressusciteront le radicalisme place du Molard ou à Tartegnin. Quant à imaginer qu’un avocat martignerain puisse ranimer la flamme radicale dans les bourgs du Gros-de-Vaud…

Or le radical pur sucre (betteravier) du Gros-de-Vaud n’est autre que Charles Favre, notable d’Echallens. Après un séjour au Conseil d’Etat comme chef du département des Finances qu’il quitta en 2002 après avoir administré la preuve d’une incompétence calamiteuse et fait plonger les caisses de l’Etat dans des déficits vertigineux, notamment avec le crash de la BCV, il a cru pouvoir se lancer dans une carrière fédérale en s’inspirant de la méthode Couchepin. Soit en cherchant à se transformer en radical zurichois d’origine vaudoise. Et en prônant un néo-libéralisme acritique et ahistorique faisant fi de toute les traditions radicales helvétiques qui reposent depuis 1848 sur un savant dosage de libéralisme et d’étatisme.

C’était oublier que Couchepin visant la succession de Delamuraz ne risquait pas de se couper d’une base électorale inexistante en Valais où le parti est minoritaire depuis toujours, alors qu’un radical vaudois ne peut pas se payer le luxe de vouer aux gémonies l’Etat créé par les Pères fondateurs sans révulser son électorat et l’expédier, franc de port, dans les bras de l’UDC.

Cédant à la mode communicatrice, Charles Favre est de surcroît tombé dans un autre piège: depuis des mois, ses apparitions répétées à la radio et à la télévision ont permis à chacun de prendre la mesure de la pauvreté de ses moyens intellectuels.

Anonnant avec une arrogance monocorde des slogans d’une banalité affligeante appris par cœur (il les a condensés sur son site perso), il a fait fuir le radical de base autant que la ménagère de 40 ans. Pour un politicien d’avenir, c’était se condamner à avoir été. C’est fait.

Mais l’effondrement de Charles Favre a surtout caché la vraie nouvelle du congrès radical, l’élection de Marina Masoni à la vice-présidence fédérale du parti. «La Masoni» comme on dit au Tessin est une politicienne d’une tout autre carrure.

Son père, Franco Masoni, homme d’influence, ancien conseiller d’Etat dans les années 60 et aux Etat dans la décennie suivante est un des hommes qui ont fait de Lugano une place financière de premier plan comptant la dernière fois que je les ai dénombrés plus de 60 instituts bancaires.

La réussite de Franco Masoni, ouvrant un large appel d’air au clientélisme, a cristallisé son entourage en un clan solide de politiciens, d’avocats et d’hommes d’affaire qui virevoltent autour de lui et de ses trois filles, toutes trois politiciennes. Ils tiennent Lugano depuis des décennies et ont su en faire, à la place de la riante villégiature qui existait encore il y a une quarantaine d’années, un monstre de béton voué au culte de l’argent et de la bagnole.

Aujourd’hui, vous ne pénétrez pas dans cette bourgade de 50’000 habitants sans bouchonner pendant trois quarts d’heures. Les Tessinois adorent cela: ils pestent contre les bouchons mais votent Masoni depuis toujours. Quand on les interroge sur cette apparente contradiction, ils vous rétorquent suavement qu’ils ont l’esprit latin!

Samedi dernier, Marina Masoni, encore jeune (46 ans), belle, intelligente, mais froide comme un lac finlandais, s’est habilement mise en orbite pour quitter la tête du Département tessinois des finances où elle n’a pas mieux réussi que Charles Favre à Lausanne.

En bonne libérale de la droite extrême (le clan Masoni est proche de la Lega de Bignasca), elle a limité les rentrées de l’Etat en baissant les impôts des classes supérieures, mais sans avoir prise sur les départements qui dépensent le plus. Résultat, les caisses se sont vidées: 42 millions de déficit en 2002, 235 l’an dernier, 288 prévus pour cette année!

Marina Masoni est donc consciente qu’il est temps de quitter un bateau en perdition en visant plus haut.

Comme les radicaux ont besoin d’une femme à poigne au Conseil fédéral et que la Suisse italienne est absente du gouvernement depuis trop longtemps, elle a toutes les chances, si personne ne lui tend un croche-pied avant en ressortant l’une des casseroles accrochées aux basques du clan, de succéder à Pascal Couchepin.

C’est ainsi qu’après les duettiste Blocher&Merz, nous aurons droit à Blocher, Merz&Masoni Incorporated. Courage, l’avenir nous sourit!