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«Phygital» et les autres mots de juin 2024

Le langage révèle l’époque. Notre chroniqueuse s’interroge ce mois-ci sur l’usage des termes phygital, turbulences et gourmand.

Phygital

Les habitudes d’achat changent. Les clients veulent pouvoir acheter n’importe quand et n’importe où. La coexistence de magasins physiques et de commerces en ligne tente de répondre à une telle exigence. Une nouvelle stratégie, désignée par le mot-valise phygital, de phy(sique) et (di)gital, lui est associée. Un terme apparu en 2013 dans le vocabulaire marketing.

Le phygital permet d’allier l’expérience physique du magasin, la relation client et le contact humain avec l’expérience digitale et les interactions en ligne. En Suisse, les réactions suite à l’annonce de la fermeture de bureaux de poste illustrent l’attachement de la population à un rapport phygital à ce service publique.

Le phygital ne concerne pas le seul marketing. Il touche de plus en plus de domaines. Exemple: des tournois sportifs sous cette forme hybride voient le jour. Ils comportent une partie numérique où les joueurs s’affrontent dans un jeu de simulation, avant de poursuivre la rencontre sur un véritable terrain. À Kazan, la Russie a organisé les «Jeux du Futur 2024» de «phygital games». Près de 2’000 athlètes ont concouru dans 21 disciplines telles que le skateboard phygital, le hockey phygital, le football phygital, la cybathletics et le cyclisme en salle. Le tout orchestré par le maître du Kremlin.

Turbulences

À l’heure d’opter pour ou contre un déplacement en avion, la peur des turbulences sera-t-elle dissuasive? Les mouvements de l’air qui secouent un aéronef en vol sont sources d’inconfort pour les passagers, d’angoisse même selon leur intensité. Les accidents survenus récemment sont venus renforcer la peur. Sans compter les récentes études indiquant une potentielle augmentation des risques de turbulences liée au réchauffement climatique. De quoi inciter des personnes craintives à renoncer à des déplacements aériens.

À moins que des dispositifs plus performants viennent rapidement les rassurer. Pour l’heure, des prévisions sont à disposition des pilotes mais ne permettent pas d’éviter les nombreuses turbulences imprévisibles. Quant à «la carte interactive» destinée aux passagers, elle leur vend du vent.

Au moment de la préparation des vacances et de l’achat des billets, il n’est pas sûr que des turbulences, même plus fréquentes, soient plus dissuasives que le «flyskam», la hausse des prix de billets ou les suspicions concernant la maintenance.

Gourmand

Chacun en fait l’expérience. L’adjectif gourmand apparaît de plus en plus souvent dans les discussions à table. Des olives de l’apéro jusqu’aux fraises du dessert en passant par la purée de pommes-de-terre, tout devient «gourmand». Pas de quoi renseigner sur les goûts et les saveurs perçues! Faut-il y voir un manque de vocabulaire, de la paresse ou un simple effet de mode?

À l’origine, gourmand désignait une personne qui mange et boit de manière excessive. Une acception dont on s’est progressivement éloigné pour se rapprocher de celle de gourmet. Quelqu’un qui cherche à satisfaire ses papilles gustatives. L’adjectif est aujourd’hui accolé à un éventail d’offres en pleine expansion: cadeaux gourmands, balades gourmandes, circuits gourmands, escapades gourmandes ou encore sentiers, marchés, adresses ou rendez-vous gourmands, manifestations gourmandes, ainsi «Le Printemps gourmand», «Le Vélo gourmand» ou «Le Biblioweekend gourmand». Les exemples abondent. À savourer avec gourmandise, en évitant de restituer l’expérience à l’aide d’un convenu «c’était gourmand!».