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Un «Podium» calibré pour le prime-time de TF1

Le film de Yann Moix est une comédie décevante, en dépit de dialogues savoureux et de quelques scènes réussies. Benoît Poelvoorde synthétise de Funès et Bourvil.

Yann Moix se situe dans le sillage de ces romanciers qui, pour ne pas voir leur œuvre trahie par d’autres, se sont chargés de les porter eux-mêmes à l’écran*. Mais son cas est plus subtil, puisqu’il a écrit le roman dans le seul but de convaincre Benoît Poelvoorde, et avec lui les financiers, d’en faire un film.

«Claude François n’a aucun mérite, il est né Claude François. Moi, en revanche, j’ai dû travailler dur pour le devenir», dit Bernard, un chanteur sans génie qui a fait de «sosie de Cloclo» son métier. Une passion qui le ronge, au grand dam de sa femme (Julie Depardieu), qui le méprise d’avoir si peu de personnalité. Pour ne pas lui déplaire, Bernard accepte de décrocher et devient conseiller bancaire.

Mais les dettes contractées du temps de sa gloire — notamment l’achat du vrai téléphone de Claude François «pour le prix d’une résidence secondaire» — obligent le couple et leur fils à vivre dans un appartement témoin, visité plusieurs fois par jour par des acheteurs potentiels. Un jour que la petite famille déjeune devant la télévision, Bernard entend qu’Evelyne Thomas lance un appel d’offres pour une grande soirée des sosies.

Quelques heures plus tard, Couscous, son ancien manager, le harcèle pour qu’il remonte sur scène. Bernard replonge et entraîne son fils dans sa chute en lui faisant chanter avec lui «Le Téléphone pleure». Le fils: «Papa, c’est quoi un sosie?» Le père, embarrassé, improvise: «Ca vient d’Osiris, le dieu égyptien qui garantit la survie dans l’au-delà». Etymologie farfelue mais logique: comme tous les autres clones de Cloclo, Bernard assure l’éternité à son idole.

«Podium» est un film plutôt drôle, certes, mais incertain sur son identité. Ce n’est pas une fantaisie à l’italienne, tendre et ironique comme «Tandem» par exemple qui parlait d’un couple d’animateurs ringards sans deuxième degré discriminant. Ce n’est pas non plus une comédie burlesque sur l’univers des sosies, pas davantage une satire sur la société des idoles. On est très loin également de la réflexion vertigineuse sur la prolifération des images telle que l’a menée Spike Jonze avec «Being John Malkovitch».

Si le spectacle fonctionne (bande-son sautillante, dialogues savoureux), le film de Yann Moix ne dépasse pas la farce kitsch. Tape à l’œil mais sans regard, «Podium» manque singulièrement d’idées de cinéma, sauf au début, pendant la première demi-heure dans l’appartement témoin, générateur de gags visuels et de situations absurdes. Un monde factice pour un homme factice.

Ensuite, le film tourne en rond. Etrangement, plus Benoît Poelvoorde s’anime, plus il est habité par l’énergie inépuisable de son idole, plus le film s’essouffle.

A quoi attribuer ce paradoxe? D’abord à la psychologie rudimentaire des personnages. Comme dans une BD, Couscous ne fait rien d’autre que manger et dormir; la femme de Bernard est réduite au rôle de flic et Bernard joue son double rôle avec une alternance trop prévisible. Et cela, même si Benoît Poelvoorde réussit à réunir en un seul personnage les deux influences qui le portent depuis le début de sa carrière, le côté teigneux colérique de Louis de Funès et la modestie émouvante de Bourvil.

L’autre problème est esthétique. En parodiant les grands shows télévisés des années 70, ceux de Maritie et Gilbert Carpentier notamment, «Podium» devient une sorte de décalque des émissions de variétés, la fraîcheur en moins, la technique en plus: écrans alternés, montage saccadé et duos virtuels. Pour être immédiatement identifiable et complice du public de télévision qu’il entend drainer au cinéma, Yann Moix réduit la portée de son scénario, simplifié à l’extrême, au profit d’une efficacité toute télévisuelle, un mélange de nostalgie, de second degré moqueur et de sentimentalité qui n’exclut pas le cynisme, à l’image de la fin abominablement consensuelle.

La culture populaire que semble affectionner Yann Moix est moins celle de la chanson — qui ne peut se déguster qu’au premier degré — que celle de la télévision et de son cortège d’émotions préfabriquées. «Podium» fera, à n’en point douter, une excellente audience lors de son passage en prime time sur TF1, coproductrice du film.

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*Parmi les romanciers qui ont eux-même porté leur livre à l’écran, on peut citer Cyril Collard («Les nuits fauves»), Vincent Ravalec («Cantique de la racaille»), Jean-Philippe Toussaint («La patinoire») ou bientôt Emmanuel Carrère («La moustache»).