La science du marketing (et Harry Potter) ont transformé la tradition ancestrale du biscuit de Noël, lequel étend désormais son empire au-delà des humains: les chiens aussi sont concernés.
Scène observée dans une grande surface. Une jeune femme se retourne, s’assure que personne ne l’observe, saisit furtivement quelques emballages dans le réfrigérateur. Avec soin, elle les camoufle sous d’autres achats déjà présents dans son chariot. Arrivée à la caisse, elle se dirige vers une caissière qu’elle ne connaît pas. Il ne faut pas que ça se sache.
Notre consommatrice vient d’acheter de la pâte à biscuits de Noël déjà abaissée. Elle se sent coupable.
Sa mère et sa grand-mère, des mères au foyer, consacraient en décembre des après-midi entiers à la confection des traditionnels biscuits. Mais pour elle, l’exercice relève de la performance physique. Après une journée de travail au bureau, les courses, les devoirs des enfants, le ménage et la préparation d’un repas, son stock d’énergie est bien entamé.
Rassembler ingrédients et ustensiles, permettre aux enfants de peser le sucre, de casser les œufs dans la fontaine de farine, puis de goûter en cachette au délicieux résultat jusqu’à l’indigestion pour se retrouver seule, en fin de soirée, au milieu d’une cuisine crasseuse: où trouverait-elle la force?
Grâce aux nouvelles offres sur le marché, les biscuits peuvent maintenant passer directement de l’emballage au four. Avec l’odeur qui ne tarde pas à s’en échapper, l’ambiance de Noël envahit l’appartement et les derniers relents de culpabilité de notre maman 2003 s’envolent. Et tant pis pour Claude Nougaro, qui chantait «Mieux encore que dans la chambre j’t’aime dans la cuisine… rien n’est plus beau que les mains d’une femme dans la farine».
Le maniement tant érotique du rouleau à pâte déserte les cuisines et débarque au musée. Pour ses performances, Nicoletta Stalder, une jeune artiste bâloise, troque ses pinceaux contre un rouleau à pâte. «Mon atelier est ma cuisine», déclare cette «Subversive Hausfrau» (ménagère subversive) que la Kunsthalle de Bâle vient d’accueillir durant un mois.
Alors que le goût des biscuits s’uniformise, va-t-on, comme aux Etats-Unis, tenter de leur conférer un brin d’originalité par le biais de leur forme? Les étoiles, petits cœurs, anneaux et bâtonnets sont en passe de disparaître au profit de moules plus branchés tels que Harry Potter, Barbie, ou divers modèles de voitures.
En se lançant dans la location de tels emporte-pièces, Aline Krauss et Erika Schenk, deux femmes d’affaires bernoises, souhaitent importer en Suisse une pratique devenue habituelle outre Atlantique. Leur site BringBackForm propose ainsi 110 formes… à la location! A raison de 9 francs la location d’une pièce, plus 8 francs de frais de port, le prix de la pâtisserie maison rivalise avec celui des meilleurs professionnels.
La clientèle de ce site compte-t-elle quelques propriétaires de chiens? Si c’est le cas, ils seront heureux d’apprendre qu’ils disposent désormais de livres de recettes pour ravir les papilles de leur compagnon.
Une lacune cependant: il n’y est pas fait mention de la forme qu’il convient de donner aux biscuits pour chiens. Sans additif, les biscuits.