LATITUDES

L’émergence d’une beauté globale

De l’est à l’ouest de la planète, femmes et hommes cherchent à atteindre une perfection physique devenue globalisée. En se démocratisant, la chirurgie esthétique accélère la création d’un nouveau standard esthétique.

Parée de ses nouvelles «fesses de brésilienne», Dominique est-elle vraiment plus belle qu’avant? Les spectateurs-voyeurs de la série «J’ai décidé d’être belle» diffusée par M6 se sont sans doute posé la question.

Dominique, Jessica, Marie-Pierre, Gladys, Marie-Noëlle et Sylvie, obsédées par la beauté de leur corps, ont recouru à la chirurgie plastique. Leur numéro d’égotisme sous l’œil des caméras est emblématique d’une quête devenue planétaire. Des millions de petites Chinoises viennent aujourd’hui corroborer le constat que faisait, il y a bien longtemps, Confucius. «Je n’ai encore vu personne qui aimât autant la vertu que l’on aime la beauté du corps», déplorait déjà le grand philosophe.

Parti de Beverly Hills, le recours à une cosmétique chirurgicale devenue de moins en moins onéreuse se démocratise. Il a gagné non seulement l’Europe mais a débarqué à Séoul, Pékin et Tokyo. Partout on observe une même folie du bistouri. On liposuce à tour de bras des bourrelets disgracieux, on silicone des seins, on regonfle et remonte des fesses en gouttes d’huile. Autant d’imperfections jugées insupportables pour qui oublie que la beauté est dans le regard de l’autre.

Côté imperfections, l’élection de la première «Miss Digital World» pourrait réserver quelques surprises. Lancée au début du mois, la course au titre se poursuivra durant une année. Le jury composé de producteurs de films et de jeux vidéos procéderont à cinq éliminatoires entre les avatars en compétition avant de désigner leur miss. Ici, Lara Croft et Ananova font figures de modèles de référence.

Bien que capables de donner corps à des êtres «parfaits», les créateurs savent qu’ils doivent toutefois se méfier de trop de perfection. C’est leur dosage d’imperfections qui s’avérera décisif. Lorsque tout est trop lissé, il est rassurant de trouver un point d’accroche. L’accroche qui plaira prendra-t-elle la forme de ces quelques pixels de cellulite ajoutés en haut de la cuisse, de ces petites rides tant expressives ou de ce désarmant grain de beauté dans le décolleté?

Chez les beautés non plus virtuelles, mais incarnées, le top modèle de Chanel et Calvin Klein, Saira Mohan, représenterait le nouveau standard d’une beauté devenue globalisée. Son visage figure en couverture d’un numéro de «Newsweek» (10 novembre) consacré à la disparition progressive des grands canons de beauté culturels orientaux et occidentaux au profit d’une seule nouvelle référence mondialisée. Née d’un père indien et d’une mère franco-irlandaise, Saira a fait le bon héritage.

En la matière, il est souvent question des femmes alors même que les métrosexuels viennent ébranler les codes de la beauté masculine. Déclinée jusqu’ici qu’au naturel, celle-ci emprunte désormais d’autres voies tracées par des David Bowie, Mick Jagger et David Beckham.

Pour plaire aux femmes, pour se soumettre à leur regard, les hommes cherchent à lisser une virilité trop piquante, trop odorante. Les métrosexuels seraient nos «créatures», à nous les femmes. Des mâles que nous aurions façonnés à travers l’éducation, leur transmettant nos goûts et nos aspirations, lit-on dans le magazine «Elle» qui s’est penché sur ces hommes qui changent.

Une information scientifique vient à propos bousculer cette prophétie d’une beauté globale. En tentant de devenir tous des clones de Saira Mohan n’oublie-t-on pas une loi d’airain qui veut que le beau soit rare et singulier? Or, Desmond Tobin, chercheur à l’Université de Bradford vient de découvrir que, d’ici une centaine d’années, les rousses pourraient disparaître, suivies, plus tard par les blondes.

Ainsi, après avoir endurées, des siècles durant, des plaisanteries grivoises, les rousses et les blondes, devenues une espèce menacée, noyée dans la globalisation génétique, jouiront d’un attrait tout particulier.