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Beat Jens, ou le début de la fin?

L’élection sans histoire du Bâlois, malgré quelques rancœurs, pourrait être la dernière du genre. Le calme avant la tempête. Sauf que l’immobilisme reste la clef de voûte du système.

Il parait que l’UDC a beaucoup voté Jositsch, lors de la succession d’Alain Berset. Et avec beaucoup plus de parcimonie lorsqu’il s’est agi de réélire une femme, d’où les mauvais scores successivement de Karin Keller-Sutter, Viola Amherd et Elisabeth Baume-Schneider. D’où des insultes proférées par les camarades à l’encontre du félon Josistch, candidat sauvage, hors ticket, qui n’en est pas à son coup d’essai: «traître», «tête de porc», «salopard». A ce qu’il parait.

Il parait aussi, mais là de façon un peu plus certaine, puisqu’il ne s’agit pas de supputer sur un vote qui reste secret, ou des on-dit de pas perdus, mais de se baser sur des réactions de mauvaise humeur bien audibles, officiellement assénées face caméra: cet exercice obligé et lancinant de l’élection au Conseil fédéral a généré de sérieuses bisbilles au sein du bloc de gauche.

Le PS en effet n’a pas apporté son soutien au candidat vert Gerhard Andrey, qui briguait le siège du PLR Ignazio Cassis. D’où une certaine fureur des troupes écologistes qui pourrait laisser des traces à long terme, si l’on en croit le conseiller national vert Fabien Fivaz: «Le grand perdant du jour, ce sont les socialistes qui ont perdu le soutien de leur principal allié.»

Il parait encore, et là c’est madame Irma qui le dit, que le nouvel élu Beat Jens, «dynamique, rassembleur, pragmatique», serait l’homme idéal pour remettre de l’ordre dans une maison fédérale pleine de courants d’air et désormais, des rancunes née un 13 décembre lors d’un vote qui aurait du être sans histoire, et qui l’a été si l’on considère le résultat, l’élection de l’homme attendu, Beat Jens.

On peut reconnaître en tout cas au Bâlois un sens de la mesure: il incarnerait presque à lui tout seul ce goût de l’équilibre à tout prix, inhérent au système politique suisse, visant à la fois à ne laisser l’entier du pouvoir à personne, tout en contentant chacun.

Le nouvel élu est en effet citadin, mais a fait un apprentissage de paysan, c’est un alémanique mais de la région la plus francophile. L’élection de Beat Jens permet à fois de rétablir l’équilibre linguistique et de redonner  aux villes la représentation que leur taille exige, et cela sans fâcher ni les campagnards ni les Romands.

Beaucoup de bruit donc pour pas grand-chose. De nombreux observateurs prédisent pourtant que la minuscule péripétie qu’a été l’élection de Jens, sera la dernière du genre. Le calme avant la tempête. Que bref l’indéboulonnable formule magique, voulant que les sièges au Conseil fédéral soient équitablement distribués entre les quatre plus grands partis, aurait rendu là son dernier souffle.

«Les sortants confirmés, le favori Jans élu: tout va pour le mieux au Conseil fédéral? Au contraire: la formule magique a fait son temps», assène ainsi le Tages Anzeiger. Parce que le PLR y est surreprésenté, parce que 25% de l’électorat n’est représenté par personne au gouvernement. Parce que «de nombreux parlementaires ne sont pas satisfaits de la répartition du pouvoir».

L’immobilisme, déguisé pudiquement par les chefs de clan en «respect des institutions», pourrait pourtant avoir encore quelques beaux jours devant lui. Rien ne dit que le Centre accentue à l’avenir la progression réalisée en octobre dernier, ni que les Verts retrouvent vite leurs plumes perdues, conditions pourtant nécessaires à un futur coup de sac.

Enfin et surtout parce que la machinerie fédérale semble programmer pour tourner à vide. En raison, peut-être, de cette conviction chevillée au cœur des principaux acteurs, qu’ils évoluent à l’intérieur du meilleur système du monde. Qu’y toucher ne serait-ce qu’un peu risquerait de dérégler cette morne mais compliquée mécanique de précision.