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En route pour l’extrême-centre

Viola Amherd, la nouvelle présidente de la Confédération, est une adepte forcenée du compromis à tout prix. La Suisse des petits pas pourrait encore ralentir la cadence. Pas sûr ce que ce soit si grave.

Il est facile, et de saison, de se moquer des centristes. Surtout depuis l’avènement voisin et caricatural de la France macroniste. Peut-être est-ce l’effet de ce «ni-ni» perpétuel, ou de ce «en même temps» tout aussi proverbial: le centriste paraît, comme le derviche, s’agiter beaucoup mais n’avancer guère, à force de tourner en rond sur lui-même.

Autant le savoir: la Suisse, déjà portée par ses institutions au compromis systématique (c’est-à-dire à l’extrême centrisme), sera dirigée en 2024 par une centriste pur sucre.

Viola Amherd, donc, présidente de la Confédération, n’a d’entrée pas déçu lors de sa très brève allocution du Nouvel An. Entourée de livres, dont la Constitution suisse, elle s’est lancée dans une métaphore brinquebalante, qui allait la conduire à affirmer d’abord une chose, puis, tout aussitôt, évidemment, son contraire.

La présidente commence par dire l’importance de l’histoire, pour arriver à cette vérité première: constater que «des événements que nous espérions appartenir au passé se répètent» et que cela «donne un sentiment d’insécurité».

Mais en même temps, tout à la fois et d’un autre côté, la présidente veut croire que «cette année qui commence est aussi l’occasion d’ouvrir un nouveau chapitre. Un chapitre fait de pages blanches. A nous de les remplir. L’idée est réconfortante». Peut-être, mais il faut être sérieusement centriste pour croire dans le même élan que tout est écrit et que rien ne l’est.

Sauf qu’aucune contradiction ne saurait véritablement effrayer l’âme centriste. C’est ainsi que Viola Amherd, en équilibriste professionnelle, retombe aussitôt sur ses pattes: «Nous écrivons notre histoire en étant à l’écoute, en étant capables de nous comprendre les uns et les autres, en nous investissant. Une responsabilité partagée est moins lourde à porter.»

Ici, une autre rengaine centriste est assénée: le secret de la bonne politique serait donc l’écoute, le dialogue, la compréhension, plutôt que la confrontation. Mais ce faisant la nouvelle présidente dévoile, sans doute malgré elle, un autre secret: il est assez confortable d’être centriste. Ainsi ce goût pour une «responsabilité partagée moins lourde à porter».

Avec un peu de mauvaise foi, on pourrait en déduire que si les centristes tiennent tellement à nouer des alliances, à faire et défaire des majorités, c’est peut-être par la crainte étrange de se retrouver seuls à se tromper. De devoir assumer seuls une décision. En ce sens, le centrisme pourrait être considéré comme une forme assez subtile de paresse intellectuelle: picorant des idées un peu partout, impliquant le maximum d’acteurs dans la décision, on se préserve de prendre tous les coups.

Bien sûr, la présidence de la Confédération n’est que symbolique. Le centrisme de Viola Amherd ne déteindra probablement pas sur ses collègues. Les orientations gouvernementales n’en seront sans doute pas modifiées. Sauf que les élections de l’automne ont déjà offert au Centre une marge de progression lui laissant entrevoir la possibilité de jouer plus que jamais les arbitres, de s’appuyer tantôt sur le bloc de gauche, tantôt sur celui de droite, pour faire avancer une idée qui lui est chère.

Bref, du centrisme, on risque ces prochains mois d’en manger jusqu’à plus faim, avec tout ce qui va avec – le compromis à tout prix et à tous les étages, et un risque d’édulcoration de toute idée un peu forte. Le risque aussi que cette Suisse des petits pas pourrait encore, sous anesthésiant centriste, ralentir un peu plus la cadence.

Le paradoxe dans cette affaire, si l’on considère le danger inverse d’une polarisation incessante, reste que le pays pourrait, finalement, ne pas s’en porter plus mal.