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À la tronçonneuse

La nouvelle attaque contre la redevance SSR, lancée par les Jeunes Libéraux-Radicaux, a la cote. Au-delà des querelles idéologiques, cette taxe apparaît sans doute à beaucoup comme surannée.

On connait la chanson. Un mouvement bien à droite s’attaque à la redevance SSR, demandant suppression ou baisse drastique. La SSR prédit aussitôt l’apocalypse, accompagnée dans ses sermons par les cris d’orfraie de la gauche choquée qu’on ose s’en prendre au sacro-saint service publique. Le Conseil fédéral intervient, joue les Salomon, coupe la juteuse poire en deux.

Tout s’achève par une baisse plus ou moins conséquente de la fameuse taxe radio-TV. La SSR n’en meurt pas et tout recommence. Dans une ambiance d’affrontement idéologique – étatisme versus libéralisme – dont on ne voit pas trop ce qu’il vient faire ici, entre courses de ski, TJ, matches de football et séries policières. C’est ainsi, après le rejet pourtant massif de l’initiative No Billag en 2018, que la redevance était tout de même passée de 400 à 335 francs.

Rebelote avec l’initiative cette fois des Jeunes Libéraux-Radicaux proposant de ramener le montant actuel de 335 francs à 200. Histoire, selon leur président Matthias Mueller, de soulager en priorité deux types de payeurs: les jeunes et l’économie. «Nous ne comprenons pas pourquoi les jeunes, qui ne consomment pratiquement pas les offres de la SSR, doivent payer 335 francs par an.» Quant aux entreprises, elles «paient près de 200 millions de francs par an pour la SSR, alors que les entrepreneurs paient déjà la redevance à titre privé. Cette double imposition injuste doit être supprimée.»

Face à ces arguments qu’on peut difficilement qualifier d’irrationnels – payer deux fois la même taxe ou payer un service que l’on n’utilise pas, semble en effet guère d’une logique très avérée – la SSR rétorque en invoquant de ronflantes notions. Comme la «cohésion du pays», la «solidarité nationale», dénonçant «une attaque contre la Suisse et sa diversité», dont elle, la SSR, serait la sourcilleuse garante.

La nécessité est aussi brandie d’une information fiable à l’ère des fake news: «Les réseaux sociaux attisent les colères ponctuelles et anonymes dans des flux qui ne distinguent plus le vrai du faux», s’alarme Gilles Marchand, directeur de la SSR.

De sévères et immédiates conséquences sont annoncées: dès 2025, «l’exécution du mandat de prestations serait menacée» avec aussi «des répercussions négatives sur la qualité des prestations de programmes». Bref, l’enfer sur terre, avec pluie de sauterelles.

«Les “Feux de l’amour” ou d’autres séries en ciment de la nation? On croit rêver», s’esclaffent les Jeunes Libéraux-Radicaux. Plus sérieusement, Matthias Mueller concède que si, certes, «la SSR produit de bonnes émissions d’information et apporte sa contribution à la démocratie, elle n’est de loin pas le seul acteur à fournir des informations fiables et à proposer des analyses». Mais c’est la seule, cela est sûr, à bénéficier pour ses bons offices d’une rente basée sur un impôt frappant l’entier de la population.

C’est alors que le Conseil fédéral intervient. Il admet qu’une redevance à 200 francs aurait de «vastes conséquences sur l’offre journalistique et l’ancrage régional de la SSR». Mais il reconnait aussi le bien-fondé qu’il y a à vouloir «alléger la charge financière qui pèse sur les ménages et l’économie». Résultat: le sept sages proposent de ramener la taxe de 335 non pas à 200 mais 300 francs.

Cette baisse revue à la baisse ne satisfait pas non plus la SSR, qui persiste dans son noir tableau: avec une redevance à 300 francs, une colossale suppression d’emplois serait inévitable, 900 postes à la trappe. Le chantage à l’emploi est sans doute de bonne guerre, à un moment où les médias en mains privés multiplient les charrettes – personne n’aime se laisser faire les poches sans réagir.

Sauf que cette menace sur les postes de travail à la SSR ne répond pas du tout aux questions posées: le montant actuel de la redevance est-il trop élevé par rapport aux prestations fournies, ou même simplement tenant compte de l’inflation qui saigne déjà les ménages? La redevance a-t-elle même seulement encore un sens?

Les sondages montrent que pour l’heure l’initiative des Jeunes Libéraux-Radicaux a le vent en poupe. Peut-être que le citoyen téléspectateur se dit qu’il n’est pas un adolescent boutonneux incapable de trier le bon grain de l’ivraie, et que l’on est sans doute à l’ère des fakes news, mais aussi à celle où maintenir un abonnement obligatoire pour tous à un médias unique, renvoie à une époque où la désinformation était encore plus virulente: celle de la Pravda.