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Après les gargarismes du 1er août

Les odes patriotiques obligatoires l’ont dit et redit: tout va bien. Ce n’est pas un obscur rapport sur la baisse spectaculaire du taux de fécondité qui aurait pu venir gâcher la fête.

Tout s’est donc fort bien passé. Les faiseurs de discours, conseillers fédéraux en tête, ont béatement dit ce qu’il faut dire un jour de fête nationale.

Le tour et le constat, comme d’habitude, sont assez vite faits. «C’est l’occasion de rappeler que notre pays a les institutions parmi les plus stables et les plus solides avec la démocratie directe et le fédéralisme». Voilà pour Guy Parmelin, qui voit dans ces fameuses et indestructibles institutions la source «de notre prospérité». On n’enseigne pas autre chose dans les écoles maternelles.

Écoutons maintenant Alain Berset égrener les grandes vertus helvétiques, trop souvent moquées à son goût – en réalité pas tellement plus que son chapeau de parrain du Conseil fédéral: «Compromis, équilibre, proportionnalité».

Elisabeth Baume-Schneider, elle, s’est ébaubie à relire la constitution de 1848 – création pourtant purement radicale –, croyant y voir «le précieux alliage d’une sagesse séculaire» et même, en cherchant bien, quelques belles notions un peu moins séculaires: «Progressisme, audace et jeunesse».

Après le temps des gargarismes, vient généralement celui des bémols. Au hasard, un tout petit, qui n’a l’air de rien, mais qui rend quand même encore un peu plus creux tous les satisfecit officiels: un rapport de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) établissant que le taux de fécondité en Suisse en 2022 n’a jamais été aussi bas (1,39 enfant par femme).

Une chute de 8,5% quand même. Alors que les femmes sans enfant n’étaient encore que 16% il y a trente ans, elles sont aujourd’hui un bon quart.

Le covid bien sûr est passé par là, mais peut-être pas de la manière qu’on imagine. Si l’on en croit du moins les explications données dans Le Temps par Clémentine Rossier, professeure associée à l’Institut de démographie et de socioéconomie de l’Université de Genève: «C’est plutôt le retour à la vie sans restriction post-covid qui semble avoir mis un frein aux intentions de fécondité des couples. Il pouvait y avoir d’autres projets à rattraper d’abord».

Que faire? La fabuleuse constitution de 1848 semble ne rien dire de précis à ce propos. C’est d’autant plus dommage que malgré des institutions inégalables et inégalées, les débats sur la possibilité d’une politique efficacement nataliste semblent systématiquement, dans ce beau pays, se mordre la queue.

Ceux qui la prônent à plus grands cris, cette politique nataliste – l’UDC par exemple – sont aussi ceux qui refusent tous les moyens de la mener, rognant sur les allocations, les crèches, les congés parentaux, etc. Tout en refusant, pour couronner le tout, l’apport plus ou moins avéré de l’émigration en matière de fécondité.

À l’inverse, les plus généreux quand il s’agit de venir en aide socialement aux futurs parents – la gauche, grosso modo – se gardent bien de toute doctrine nataliste, comptant plutôt, dans ce domaine, sur ce fameux coup de boost d’une émigration qu’ils souhaitent de plus en plus libre et abondante.

Sauf qu’il s’agit souvent là d’un fusil à un ou deux coups: il semble que dès la deuxième ou troisième génération, les femmes issues de l’émigration tendent à adopter, s’agissant de maternité, le modèle restreint du pays d’accueil.

C’est alors que l’on apprend que le 1er août n’est pas seulement la fête nationale suisse, mais aussi la «Journée internationale des gens qui n’ont pas d’enfants».

Et qui s’en gargarisent?