LATITUDES

«Fulguré» et les autres mots d’août

Le langage révèle l’époque. Notre chroniqueuse s’interroge ce mois-ci sur l’usage des termes «fulguré», «surtouriste» et «infonuagique».

Fulguré

La Suisse comptait jusqu’ici une dizaine de fulgurés par année. Un nombre qui pourrait augmenter. Mais qui sont les fulgurés? Du latin «fulgur», foudre, ce terme désigne les personnes touchées par la foudre qui, contrairement aux foudroyés, n’en meurent pas. La kéraunopathologie est la discipline confidentielle qui étudie les impacts occasionnés par la foudre sur ses victimes humaines.

La nuit du 12 au 13 juillet dernier, le système de détection de la foudre LIN a compté près de 100’000 éclairs dans le ciel helvétique. Davantage que les 85’000 enregistrés durant tout le mois de juillet 2022. Ce record confirme les prévisions d’études scientifiques annonçant une nette progression des activités orageuses liée au réchauffement climatique. Et, par conséquent, la probabilité de fulgurés plus nombreux.

Les récentes victimes de Villars-sur-Glâne (FR) et Ménières (FR) ont connu une brève médiatisation, contrairement à d’autres fulgurés qui défrayent la chronique. Certains se sont mués soit en musicien virtuose, championne de calcul mental ou détenteur d’une mémoire hors pair, après cette forme de «recâblage du cerveau» que constitue la fulguration au moment de la décharge. Des cas bien minoritaires. La majorité des fulgurés souffrent de multiples séquelles entraînant des handicaps souvent lourds et durables.

Même si la trajectoire de la foudre demeure imprévisible, les consignes de sécurité abondent pour tenter de l’éviter, à l’instar de celle d’Electrosuisse, association pour l’électrotechnique, les technologies de l’énergie et de l’information. Reste à les suivre!

Surtouriste

Cet été, le vacancier pas très fute-fute a contribué à la sur-fréquentation de certaines destinations idylliques. Un phénomène redouté qui porte désormais un nom: le surtourisme. Pour tenter de l’enrayer, les initiatives se multiplient: réservations et quotas pour réguler les flux, allongement de la saison, ou même «demarketing» – démarche visant à utiliser les techniques de marketing pour réduire la demande.

Il est déjà difficile d’assumer le statut de touriste. Bien que partie prenante d’une horde de touristes, on se voit plutôt en intrépide voyageur. Dès lors, l’appellation «surtouriste» ne serait–elle pas plus lourde encore à assumer pour qui se soucie de considérations écologiques? Omniprésentes dans les discussions entre collègues, elles sont oubliées à l’heure de faire ses valises et de prendre l’avion sans l’ombre d’une mauvaise conscience.

«Le voyageur voit ce qu’il voit, le touriste voit ce qu’il est venu voir», constatait l’écrivain anglais G.K. Chesterton. On pourrait ajouter: le surtouriste voit des touristes l’empêcher de voir ce qu’il est venu voir.

Infonuagique

«T’inquiète! Elle est dans ton infonuagique», tempère mon amie alors que je recherche une photo. Décontenancée, je lui demande une explication. «Comment, toi qui prétends aimer la langue française, tu préférerais que j’utilise un anglicisme?»

Je saisis enfin la bonne nouvelle: il existe un terme français, québécois plus précisément, pour traduire «cloud computing». Poétique, qui plus est. «Je pensais que tu le savais. Il se trouve dans Le Petit Robert 2024.»

Au risque d’avoir, moi aussi, à élucider l’acception d’infonuagique pour mes interlocuteurs, cloud disparaîtra de mon vocabulaire.