buy bulk cialis

Populaires populistes

La percée électorale de Pierre Maudet à Genève provoque diverses perplexités. Peut-être parce que les règles de la démocratie ne sont pas exactement les mêmes que celles de la morale.

C’est bien le même homme. Le nom n’a pas changé, c’est toujours Maudet, le prénom non plus, c’est encore Pierre. Pourtant, après la percée électorale du ministre déchu lors du premier tour des élections genevoises au Conseil d’Etat, on pourrait croire, à écouter les commentaires et réactions, qu’il s’agit de quelqu’un d’autre, et même de son contraire exact.

Maudet et son mouvement «Liberté et Justice sociale» se voient ainsi accusés de «populisme» et même, plus infâmant encore, de «poujadisme» – quoi de plus infâmant en effet, politiquement, que la défense des petits boutiquiers? Sauver Credit Suisse a tout de même une autre allure.

Bref, on reproche à Maudet de surfer éhontément sur la colère des déclassés, des «largués du succès économique genevois», en gros de toutes les victimes du gang des trois étrangleurs locaux, dans l’ordre listé par exemple sur le site heidi.news: «primes maladie, loyers record, imposition hors pair».

Que de chemin parcouru pour un homme qui a représenté au temps de sa splendeur, la notabilité absolue, régnant au sein d’un gouvernement et d’un PLR incarnant la rigueur, la raison, le sens des réalités comptables, la modernité, la responsabilité. Oui, que de chemin parcouru pour un homme passant de Macron à Poujade.

Mais l’étiquette de populiste a cela d’embêtant qu’elle peut assez facilement être retournée à l’envoyeur. Même un Maudet ayant laissé son arrogance naturelle au vestiaire, forcé par ses déboires et ses envies de résurrection, arrive à coller l’affreux sparadrap sur le front de ses anciens amis.

C’est ainsi qu’il qualifie de «bloc populiste» la large Alliance genevoise regroupant toutes les droites, sauf lui-même, n’y voyant «qu’un bric-à-brac fait de compromis et de compromissions», animé d’un seul programme: «Faire barrage à la gauche et à moi-même.» Avec cette touche à la fin de l’envoi: «C’est un peu court.»

Le «tout sauf Maudet» apparait néanmoins comme une telle évidence dans les esprits, que même les Centristes préfèrent s’allier avec l’UDC et le MCG qu’avec l’ex-wonderboy devenu notoire pestiféré.

De partout tonne la grosse artillerie morale. «Un repris de justice pourra-t-il siéger de manière crédible au sein de l’exécutif cantonal?», se demande ainsi le Courrier.

Il semble que la réponse ait déjà été donnée: une partie de l’électorat se tamponne assez largement de ce souci-là, confirmant la réputation d’une Genève plus proche, en matière de mœurs politiques, de la France voisine – où la cuisine électorale s’accommode généralement bien des casseroles judiciaires – que de la Suisse lointaine.

Notons, à ce propos que le Maudet d’aujourd’hui a tout même conservé quelque chose du Maudet d’hier. Il reste un effet un relent de macronisme à la sauce genevoise dans la dénomination de son parti. «Liberté!» d’un côté, et en même temps, «Justice sociale!» de l’autre.

Un tel attelage sémantique a déjà permis, dans le cas du vrai Macron, élection et réélection. Il semble de même que Maudet ne soit pas plébiscité que par «les coiffeuses et les petits commerçants», mais aussi dans les beaux quartiers radicaux, où on le considérerait volontiers comme «le moins nul d’entre nous».

La mise en œuvre pourtant de cette politique sur deux jambes – mais deux jambes n’appartenant pas au même corps – et qui semble faire le succès du Maudet nouveau, donne, outre-Jura en tout cas, les brillants résultats que l’on sait.

Que Maudet soit un populiste ou pas, il n’est reste pas moins que la règle de base de la démocratie est de réussir à convaincre le peuple. Et que le moyen le plus sûr d’y parvenir est encore de le flatter. C’est ainsi qu’il n’existe pas de populistes en dictature. Les mauvais esprits diront que c’est parce qu’ils sont au pouvoir.