LATITUDES

«Clash» et les autres mots de janvier

Le langage révèle l’époque. Notre chroniqueuse s’interroge ce mois-ci sur l’usage des termes «clash», «antonomase» et «tendances».

Clash

Partout des gens s’invectivent, s’échangent des phrases assassines, semblant obéir à l’injonction d’avoir un avis tranché sur tout. Le goût de la dispute supplante la quête d’échanges, de dialogues ou de débats nuancés. Pour qualifier cette déferlante de polémiques virulentes, d’où qu’elles surviennent et quelle que soit la forme qu’elles empruntent, les médias ont opté pour un seul terme: «clash». Cette onomatopée explosive est en parfaite adéquation avec sa définition: «désaccord soudain et violent, conflit, rupture brutale». En politique, lors d’un match de foot, sur les réseaux sociaux, dans la sphère économique ou au sein d’un couple, aucun domaine ne semble échapper à la survenue de clashs.

Depuis des décennies, les cultures reggae et hip-hop comptent une foule de clashs mythiques, soit l’affrontement de deux artistes à coups de morceaux musicaux. Ainsi, celui légendaire et dramatique des rappeurs Tupac et The Notorious B.I.G. et l’exemple plus récent de Drake et Pusha T.

Le 11 février prochain, c’est à Genève qu’un «Soundclash» est programmé. Une «battle» musicale entre Danista et Di-Meh, deux artistes genevois. Une version positive et créative du clash.

 

 

Antonomase

Pénurie, sobriété et inflation figuraient parmi les favoris à l’heure de dévoiler le mot des Romands 2022. «Boycotter» a créé la surprise en s’adjugeant le titre. Ce verbe est dérivé d’une antonomase, cette figure de style où un nom propre est utilisé comme nom commun. Certaines sont bien connues, ainsi poubelle, guillotine, ampère, watt ou silhouette. Boycott n’en fait pas partie alors que son histoire mérite d’être connue par celles et ceux qui se sont engagés à boycotter tel ou tel produit ou services.

Le terme vient du britannique Charles Cunningham Boycott (18321897), intendant d’un riche propriétaire terrien, en Irlande. Il traitait mal ses fermiers et subit un blocus de leur part en 1880. Le mot boycott se répandit alors, officialisant une pratique qui existait depuis des siècles. A l’heure de céder à la versatilité ou carrément à l’hypocrisie face à leur engagement, les boycotteurs de fraîche date peuvent avoir une pensée pour ces courageux fermiers irlandais.

Après «boycotter» en 2022, quel sera le mot des Romands en 2023? Peu de noms propres suisses ont généré des antonomases. La blochérisation en est un rare exemple. Puisse la röstification ne pas voir le jour cette année!

Tendances

Quelles sont les nouvelles tendances, tous domaines confondus? Les tendanceuses et tendanceurs ont la réponse. Comment ne pas succomber à celles-ci? Insidieuses, elles se présentent souvent comme des solutions miracles à tous nos maux. «Un burn out? La pleine conscience! Un couple en crise? Le minimalisme! De l’éco-anxiété? Le greenwashing!», avec humour et autodérision, Saphia Azzeddine et Jennifer Murzeau viennent de publier un faux livre de développement personnel. Dans «Tendances. Plaidoyer pour ne plus en suivre aucune.» (Robert Laffont), elles indiquent des pistes pour ne plus en être victimes. Une lecture qui encourage à identifier seuls ce qui nous fait du bien. Le nouveau trend à adopter?