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La métaphore climatique

Entre les sceptiques indécrottables et les prophètes de malheur, le débat sur le réchauffement tourne au combat de mauvais poètes. La preuve par le contre-projet à l’initiative pour les glaciers.

C’est donc dans une ambiance caniculaire que la Suisse vient de faire un pas en avant contre le réchauffement climatique. Un tout petit pas puisqu’il ne s’agissait, pour le Conseil national, que d’élaborer et de valider, à la suite du Conseil fédéral, un contre-projet à l’initiative pour les glaciers. Qui dit contre-projet dit un texte forcément en retrait par rapport à des propositions initialement plus ambitieuses. Ambitieuses et simples, pour ne pas dire simplistes: plus aucune émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050.

Trop simple sans doute et trop drastique aussi probablement pour la fameuse politique des petits pas qui semble inscrite dans les gênes confédérales. Même quand il semble y avoir le feu aux fesses. Alors on tronçonne, on divise, on nuance, on édulcore. On décrète par exemple que seuls les secteurs du bâtiment et des transports seront astreints au zéro émissions tandis que l’industrie, elle, pourra s’en tenir à 90% de réduction.

Il faut dire que le débat sur le climat est miné d’entrée. Vous n’avez à peu près le choix qu’entre deux positions jusqu’au-boutiste: le climato-scepticisme, qui vous fait passer illico et quasi pour un criminel de guerre –que vous niez purement le phénomène du réchauffement ou en contestez la causalité humaines–, ou alors de sonner le tocsin, avec le plus de frénésie possible, au risque de ressembler à un ennemi de l’humanité, un père fouettard mal embouché.

C’est sans doute pourquoi, et les derniers débats au Conseil national l’ont encore montré, on privilégie dans chacun des deux camps l’emphase poétique et la métaphore à deux balles, plutôt que la froide analyse et les propositions concrètes.

L’ennui avec la poésie et les métaphores est qu’elles servent surtout à faire plaisir à ceux qui les énoncent, mais ne signifient souvent pas grand-chose et ne proposent à peu près rien. C’est ainsi que le parlementaire valaisan Michael Graber, au nom d’une UDC seule à rejeter le contre-projet –et bien sûr l’initiative–, trouve qu’il ne faudrait pas faire de loi «pour l’eau gelée, mais pour les gens».

Soyons juste: parmi le fatras d’arguments biscornus que déverse l’UDC pour ne rien faire contre le réchauffement, il en est un qui contient un petit fond de vérité: l’initiative aussi bien que le contre-projet vont contre la volonté populaire exprimée l’an dernier par le rejet de la loi sur le CO2. Il en irait donc du respect de la démocratie et du bon vieux principe qu’il est toujours contreproductif de vouloir faire boire des ânes n’ayant pas soif.

Dans l’autre camp, la rhétorique annonçant canicules sur canicules, inondations sur inondations, n’a plus grand chose à envier à celle du prophète Philippulus. «Le GIEC sort rapport après rapport, et ses constats sont glaçants. Si nous n’inversons pas la tendance, nous fonçons droit vers la catastrophe», s’exclame par exemple la verte genevoise Delphine Klopfenstein Broggini. Passons sur l’épithète «glaçant», peut-être pas la plus appropriée en la circonstance, et passons aussi sur le statut de bulle papale conféré désormais à ces fameux rapports du GIEC.

Bref c’est à un vrai combat de poètes auquel nous assistons. Les organisations à l’origine de l’initiative pour les glaciers avaient montré d’emblée l’exemple avec ce slogan dévastateur. «Il est urgent de se réveiller! Transpirons pour le climat.» Leur site affiche toujours le mémorable appel du prix Nobel Jacques Dubochet: «Au secours, nos glaciers! Ils prennent une dégelée.» En face, cela fait longtemps que l’UDC s’époumone, elle, à voir partout à l’œuvre une «hystérie climatique».

De ces joutes purement verbales ne semble émerger qu’une seule vraie certitude climatique: le soleil tape de plus en plus fort sur les têtes.