Les activistes du climat, comme Extinction Rebellion à Genève, passent au prêche apocalyptique, avec la prétention de se situer au-dessus des lois. Imbroglio juridique garanti.
La plus vieille profession du monde n’est peut-être pas forcément celle qu’on pense: les prophètes de malheur ne datent pas de la dernière pluie non plus. Ce qui n’empêche pas la branche de n’avoir jamais été aussi florissante. Prêcher l’apocalypse est même redevenu très tendance, crise climatique oblige.
C’est ainsi qu’à Genève, le désormais très célèbre et omniprésent mouvement Extinction Rebellion franchit le pas, passant de la simple désobéissance civile à l’exercice assumé de la voyance, annonçant par voie d’affiches publiques les diverses calamités qui vont s’abattre sur la cité de Calvin d’ici une petite quinzaine d’années.
Inondations à la Jonction, effondrement des falaises de Saint-Jean, invasion du moustique tigre, canicule aux Pâquis, fermeture pendant deux ans du pont du Mont-Blanc pour travaux «suite aux inondations de 2034, 2038 et 2039». Voilà qui est diablement précis. «Prévoyez 2 à 3 heures pour passer d’une rive à l’autre» annoncent même ces activistes devenus extra-lucides et doués du don de double vue.
L’autre nouveauté est que ces actes de divination sont financés par les pouvoirs publics, en l’occurrence la ville de Genève. Un soutien que le conseiller administratif écologiste Alfonso Gomez juge dans Le Temps parfaitement justifié: «Il y va de notre responsabilité d’informer l’opinion sur les conséquences du dérèglement climatique.»
On notera donc que désormais le verbe informer est devenu synonyme de deviner. Le vieil adage dit bien que gouverner c’est prévoir, sauf que cette scie a été mille fois démentie, puisqu’il semblerait qu’une des caractéristiques immuables de l’avenir, la seule réellement prévisible, est d’être justement très peu prévisible. Personne n’avait vu venir par exemple des évènements aussi considérables que la disparition soudaine de l’Union soviétique ou le 11 septembre.
On pourra certes faire valoir que les aléas climatiques sont plus prévisibles que les faits et gestes des folles créatures humaines et plus appréhendables par l’expertise scientifique. C’est ce que défend par exemple Vincent Zeder, membre d’Extinction Rebellion: «Il ne s’agit pas de propagande, mais de faits scientifiques.» Avant de donner des verges pour se faire battre en parlant de «scénario spéculatif basé sur des hypothèses scientifiques». Bref, la ville de Genève en serait à financer la spéculation et l’hypothèse, pour ne pas dire à remplir la sébile de Madame Irma.
Le président du PLR genevois, Bertrand Reich, pointe une autre difficulté: «Qu’une collectivité publique ait un message politique sur le climat, soit, mais s’associer à un mouvement qui prône la désobéissance civile et conteste le principe même de l’Etat de droit me semble contradictoire et gênant.»
C’est un fait que sur cette question, la justice patauge sérieusement, ayant accumulé les jugements contradictoires –condamnations ici, acquittements là– quand il s’agit de statuer sur les actes de désobéissance civile des activistes climatiques, impliquant blocages et/ou déprédations.
La notion invoquée pour justifier l’acquittement est celle d’un «état de nécessité», c’est-à-dire d’un acte en soi punissable mais en réalité répondant objectivement à un danger imminent et concernant toute la collectivité. A l’inverse les condamnations sont justifiées par le fait que dans un État de droit, des voies légales sont toujours possibles pour faire face au même danger.
Lorsque, évidemment, l’on est convaincu de l’imminence de l’apocalypse et de posséder, soi-même personnellement les solutions pour l’éviter, on se sent peu enclin au débat contradictoire et démocratique, vite aussi au-dessus des lois, et si l’on peut dire, investi du bon droit d’être hors la loi.