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Qui a peur de Tullius Detritus?

La venue d’Éric Zemmour à Genève échauffe les esprits. Et réveille le censeur qui sommeille en chacun de nous.

À Genève, malgré les apparences, la Ville n’est pas le Canton, et vice versa. La preuve par la venue annoncée du candidat sans l’être, tout en l’étant, à la présidence de la République française, l’omniprésent, et surtout omni-vociférant, Éric Zemmour.

Côté Ville, on s’en étranglerait presque, à l’image de la maire Frédérique Perler: «Autoriser Monsieur Zemmour à tenir une conférence dans une infrastructure de la Ville de Genève ferait d’une part la démonstration que la Ville serait complice de la propagation des messages haineux diffusés par ce monsieur, et d’autre part contraire aux valeurs défendues par la Ville dans le cadre de ses politiques publiques. Nous serions donc en totale contradiction.»

Voilà un argument sans doute plus retors qu’il n’en a l’air: pratiquer la censure au nom de la cohérence avec soi-même. Ce qui revient peu ou prou à vouloir faire taire tous ceux qui ne pensent pas comme nous. Et oublier que la Ville, c’est toute la ville, qui doit certainement compter un certain nombre de citoyens pensant un peu comme le sieur Zemmour. L’un des plus illustres d’entre eux d’ailleurs, maître Bonnant, a semble-t-il été pressenti pour animer la soirée du polémiste.

Côté canton en revanche, on se montre autrement détaché, par la voix du chef du Département de la sécurité et de la santé, Mauro Poggia: «Si certains s’offusquent des propos d’Éric Zemmour, cela ne suffit pas encore pour l’interdire de parole. En l’état actuel, il n’y a pas de quoi retenir un risque pour l’ordre public.» Il estime alors que dans une démocratie, il serait sans doute plus visé de répondre au discours par le discours, plutôt que par une coupure de son.

Le quotidien «Le Temps», qui fut genevois, puis plus, puis de nouveau, a eu la bonne idée de demander son avis à l’avocat Nicolas Gardères. L’homme de gauche, membre d’Europe Ecologie Les Verts, auteur du Voyage d’un avocat au pays des infréquentables s’est spécialisé dans la défense de ses adversaires idéologiques. Et ce au nom de principes indiscutables: «Je défends leurs libertés fondamentales et je combats leurs idées politiques.» Ce qui l’amène donc à plaider au tribunal «en faveur de ces “fils de p…de fachos”» aussi bien que de ces «cons d’islamistes».

Et que dit-il de la réaction des autorités genevoises à la venue du trublion? «Lui signifier qu’il n’est pas le bienvenu est certes rugueux, mais ça ne lui interdit pas de s’exprimer. En revanche, user de subterfuges administratifs pour justifier une décision qui relève en réalité de la censure est médiocre.»

Nicolas Gardères trouve ainsi qu’il s’agirait là d’une insulte à l’intelligence de la population, «comme si on voulait la protéger contre ces paroles dangereuses, comme si on ne faisait pas confiance à sa maturité, à sa capacité de raisonnement». Il enfonce ensuite le clou à l’aide d’un sacré marteau: «Le célèbre linguiste Noam Chomsky dit que croire à la liberté d’expression, c’est croire à celle des individus que l’on méprise.»

Sacré marteau, parce que Noam Chomsky est une icône de la gauche mondiale invoquée à tout propos. Cette gauche qui semble avoir bêtement piqué à la droite une de ses plus vilaines et vieilles habitudes: la tentation de gommer chaque mot plus haut que l’autre.

Sans compter qu’il existe une arme autrement plus redoutable que le bâillon, et c’est le quolibet. A la manière d’un Philipe Lançon dans Charlie Hebdo qui qualifiait dernièrement Zemmour de «Tullius Detritus semant la zizanie dans notre village gaulois», ce qui est assez bien vu si l’on se souvient de la binette prémonitoire de ce personnage verdâtre, hantant un des plus fameux albums d’Astérix.

Le ciel n’est pas tombé pour autant sur le village gaulois, pas plus qu’il ne tombera sur la ville de Genève, soyons-en sûrs. Malgré tous ceux qui crient: «Non, tu ne chanteras pas!»