La Suisse tente de renouer le dialogue avec l’UE. Un vrai challenge face à un nouvel interlocuteur, le slovaque Maros Sefcovic, un apparatchik du genre dur à cuire.
Le dialogue de sourds semble parti pour durer. De passage à Bruxelles pour une réunion entre ministres européens de l’économie et de pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE), Guy Parmelin en a profité pour lâcher un petit grain de sel à l’usage de la Commission européenne. Laquelle, a-t-il prévenu, devrait veiller à «ne pas répéter les erreurs du passé». Et donc renoncer à une solution institutionnelle globale, comme la reprise du droit européen, et privilégier, c’est tout bête, ce que la Suisse veut, à savoir des règlements secteur par secteur. Autant dire que les deux parties campent sur leurs rigides positions, depuis la rupture de l’accord cadre le 26 mai dernier.
C’est dans ce contexte que le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis rencontrera lundi pour la première fois le commissaire nouvellement en charge du dossier suisse au sein de la Commission, le slovaque Maros Sefcovic.
Autant le dire, ce Maros n’est pas un marrant. D’abord, il est en poste à la Commission –dont il assume la vice-présidence–, depuis 2009, et donc au courant de tous les rouages, trucs et astuces communautaires. Le dossier suisse à peine empoigné, il frappait fort en septembre dernier, sommant la Confédération de «payer ses dettes en échange de sa participation au marché intérieur». Lourde allusion aux contributions au ménage européen que la Suisse rechigne à verser depuis 2012, le fameux milliard de cohésion.
Pour se faire mieux comprendre, si besoin était, Sefcovic prenait en contre-exemple vertueux, un autre non-membre, la Norvège, crachant, elle, au bassinet avec une régularité de…coucou suisse. «Vous comprendrez que c’est ce qu’on attend d’un pays aussi prospère que la Suisse», dit-il. On ne saurait être plus direct.
Si la gauche et le PLR ont admis que la demande était légitime eu égards aux importantes retombées du marché européen pour l’économie suisse, l’UDC, par le conseiller national Michaël Buffat, s’était proprement étranglée d’indignation: «Nous n’avons d’ordre à recevoir de personne et nous n’avons pas de dettes envers l’UE. La Suisse est un excellent partenaire pour l’UE. Nous sommes son égal, non son vassal.»
Sans doute pas de quoi faire peur à «Big Maros» un des surnoms du commissaire slovaque, du à sa taille de colosse. L’homme, du moins, semble bien élevé. «Il dira non mais en souriant», pronostique l’avocat suisse Jean Russotto installé à Bruxelles et fin connaisseur du microcosme communautaire. Sefcovic est aussi connu pour être du genre sportif et le seul commissaire à utiliser la salle de sport de la Commission. Voilà Cassis, de format plutôt poids plume, prévenu.
Guère plus rassurant est l’autre surnom du slovaque: «laser eye», pour sa capacité «à faire attention à des détails que personne ne voit», explique Solenn Paulic, la correspondante du Temps à Bruxelles. Lui en tout cas en a vu d’autres: formé au Moscow State Institute of International Relations, Maros Sefcovic a été ambassadeur de la Slovaquie en Israël, est actuellement en charge du cas compliqué de l’Irlande du Nord post-Brexit, après avoir accompagné par ailleurs en 2019 un accord sur le gaz entre Kiev et Moscou.
Certes entre-temps, le Parlement suisse a voté le versement du milliard de cohésion mais Maros Sefcovic, au nom de la Commission, a déjà demandé des garanties pour des versements et une augmentation future, qu’il voudrait tout deux voir ancrés dans un accord. Cassis défend quant à lui, pour la Confédération, des versements effectués sur une base volontaire. Bref on veut bien payer mais sans avoir l’air de se faire forcer la main. Ce qui est une manière au fond assez suisse de préférer l’aumône à l’impôt.
Ignazio Cassis en tout cas semble déjà en mode méthode Coué:«Nous voulons mettre fin à la spirale négative. C’est pourquoi nous payons le milliard de cohésion. La balle est maintenant dans le camp de l’UE.» Quitte à endosser aussi la bure safran du moine bouddhiste: «Il faut un certain calme intérieur pour rendre possible un nouveau départ.» Pas sûr que cela suffise à désactiver le laser de Bratislava.