cialis dosage doctor

La Suisse à la conquête de l’espace

Grâce à son savoir-faire de précision et ses technologies de pointe, la Suisse a su prendre une place décisive sur la scène internationale du spatial. Les milieux économiques, politiques et académiques s’allient aujourd’hui sur de nouveaux défis, à l’instar de l’observation des planètes et le nettoyage de l’espace.

Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans PME Magazine.

_______

Avec la collaboration de Laurent Grabet.

 ————–

«La Suisse est une nation spatiale.» Pour l’astronaute Claude Nicollier, c’est une évidence: «Au travers de ses entreprises, le pays développe des technologies basées sur son savoir-faire en microtechnique et en électronique issu des hautes écoles et du monde industriel. Elles sont exploitées dans le domaine du spatial utilitaire (satellites de communication, de navigation, ou d’observation de la Terre), mais aussi pour les vols spatiaux habités ou dans les sciences spatiales telles que l’étude des exoplanètes.»

Entreprises, universités, politiques, tout un écosystème s’est développé, positionnant ainsi la Suisse comme un acteur international incontournable dans la conquête de l’espace. Dernier exemple en date: l’entreprise vaudoise ClearSpace a été sélectionnée cette année dans un concours mondial pour la première mission de nettoyage de l’espace.

Au milieu des grandes puissances de l’économie spatiale (Europe, USA, Chinois, Russie), la Suisse est présente dans une myriade de missions spatiales. Ses contributions prennent principalement la forme de composants ou de logiciels intégrant des programmes étrangers. Entre 2018 et 2020, 60 technologies suisses ont été embarquées sur 50 expéditions spatiales d’après le rapport du comité international de la recherche spatiale (COSPAR). Du télescope CHEOPS, à la chasseuse de comète Rosetta ou encore l’observatoire solaire Solar Orbite et les coiffes de fusées, de nombreuses missions intègrent des éléments à haute-valeur ajoutée développés en Suisse.

De plus, la Suisse bénéficie d’une riche histoire dans l’espace. Le premier drapeau à avoir été planté par Buzz Aldrin en 1969 disposait d’une voile développée par l’Université de Berne (qui visait à récolter des particules de vent solaire). En 2009, le premier satellite entièrement suisse a été lancé. Dénommé le «Swiss Cube», il a été fabriqué sous la direction du Space Center de l’EPFL afin d’étudier les phénomènes de lumière dans l’espace. Le pays est également un des membres fondateurs de l’Agence spatiale européenne (ESA), et contribue à son financement à hauteur de 182 millions de francs en 2020 (sur un budget total de 4,7 milliards d’euros). Cette année, plus de 22’500 motivés ont déposé leur candidature pour intégrer le programme de formation de l’ESA, un record historique. En Suisse, ils ont été 670 volontaires, soit près de 3% du total européen. «J’espère qu’un Suisse ou une Suissesse sera choisi par l’ESA comme nouvel astronaute, souhaite Claude Nicollier. Cela donnera à de nombreux jeunes l’envie de s’intéresser à l’espace et à l’ensemble des métiers gravitant autour de ce secteur.»

1 – La Suisse joue la carte du spatial 

En 1969, après le premier pas de l’Homme sur la Lune, un drapeau d’origine suisse avait été planté avant celui des États-Unis, rappelle Gass Volker, directeur du Space Innovation à l’EPFL. C’était un drapeau blanc, pour le Solar Wind Experiment de l’Université de Berne, une mission de recherche sur les vents solaires. L’engagement de la Suisse dans la recherche spatiale est donc ancien.

Aujourd’hui, ce sont près de 120 entités –PME, start-ups et instituts de recherche– qui forment l’écosystème du domaine spatial en Suisse, représentant quelques 1’000 emplois. Dans ce vivier de recherche et d’innovation, RUAG et APCO Technologies dominent le secteur. APCO Technologies est une PME familiale basée à Aigle (VD). Fondée en 1992, elle est active autant dans les équipements «vol», à savoir des structures et des mécanismes pour satellites et lanceurs, que dans les composants «sol», notamment en développant des outillages de manutention, de retournement, de test, ou encore des conteneurs de transport. En 2018, APCO Technologies a investi dans une nouvelle halle de production afin de fabriquer, à l’interne, les attaches des boosters du futur lanceur européen Ariane 6. «Le modèle de l’entreprise familiale est un facteur de succès: nos investisseurs ne sont pas des individus externes à la société, mais nos directeurs, qui prennent des risques quand il le faut. Sans cela, nous n’aurions pas décroché tous les contrats sur lesquels nous travaillons actuellement», explique Romain Kerleau, responsable marketing et ventes pour la partie spatiale de la PME. Avec 300 employés en Suisse, APCO Technologies a également une trentaine de collaborateurs qui travaillent sur la base européenne de lancement de Kourou, en Guyane Française.

Les entreprises suisses s’illustrent dans la fabrication de composants utiles à l’industrie spatiale. À Neuchâtel, Syderal Swiss conçoit et produit des équipements électroniques embarqués sur des satellites: gestion de vidéo, mécanisme permettant l’orientation de panneaux solaires sur des satellites, antennes pour la communication. «Nous avons participé à une cinquantaine de missions spatiales, sans jamais connaître de défaillance sur nos équipements», dit Olivier Henin, le directeur de l’entreprise qui compte plus de 50 employés, dont une trentaine d’ingénieurs.

Olivier Henin est également le président du Swiss Space Industry Group (SSIG), qui regroupe plus de 90% des entreprises du secteur. Comment la Suisse parvient-elle à se positionner à l’échelle internationale dans un secteur si concurrentiel que le spatial? «Au sein de l’Agence spatiale européenne (ESA), chaque pays membre investit un certain montant pour développer des projets, répond Olivier Henin. Le travail vient ensuite en retour, en fonction du montant investi. Mais naturellement chaque contrat est mis en concurrence, et celui qui présente la meilleure offre l’emporte.»

2 – L’écologie de l’espace 

L’exploration de l’espace, fascinante à plus d’un titre, a aussi ses revers. D’après des chiffres de la NASA, 20’000 objets, débris de fusées ou de satellites, sont abandonnés chaque mois dans l’espace, gravitant ainsi au-dessus de nos têtes. Pour résoudre ce problème, l’Agence spatiale européenne (ESA) a lancé, pour la première fois de son histoire, un appel d’offres en septembre 2018 visant à «nettoyer» l’espace. L’entreprise qui a décroché le contrat, contre douze concurrentes du monde entier, est vaudoise: ClearSpace, basée à Renens.

«Cette mission est porteuse d’un message fort, dit Luc Piguet, CEO et co-fondateur de ClearSpace. C’est la première fois que l’on ne trouve pas des excuses pour ne rien faire.» Le travail quotidien est voué à concevoir un robot capable d’être lancé dans l’espace, de désorbiter un premier débris –un adaptateur de deux mètres de diamètre et de 112 kilos appartenant jadis à la fusée Vega–, et de revenir sain et sauf sur Terre. Le dispositif devrait être déployé en 2025.

Pour parvenir à son but, ClearSpace est passée de 7 à 35 employés en 2020, et en compte aujourd’hui plus de 50. Elle a des partenaires industriels en Suisse – APCO Technologies (VD), Syderal (NE), Ruag (ZH), Nanotronic (BE) – mais aussi en Allemagne, en Angleterre, en Suède, en Pologne, au Portugal, en République Tchèque et en Roumanie. Pour le volet académique, ClearSpace collabore, en plus de l’EPFL avec laquelle elle planche notamment sur une technologie de machine learning, avec la HEIG-VD et l’Université de Berne.

Un nouveau champ de compétences et de création d’emplois pour l’avenir? «ClearSpace permettra de démontrer la faisabilité d’un tel projet, tempère Gass Volker, directeur du Space Innovation à l’EPFL. Ensuite, il faudra légiférer sur le sujet: la gestion de nos déchets quotidiens est financée par nos impôts. Sera-t-on prêt à payer pour le nettoyage de l’espace? En effet, tout le monde utilise les services satellitaires. Une fois seulement que ces questions auront été traitées, un marché pourra voir le jour.»

3 – Un atout: l’industrie de précision 

Outre les sommes mises en jeu dans un organisme comme l’ESA – de l’ordre de 170 millions de CHF par an pour la Suisse – les compétences techniques sont bien entendu primordiales pour décrocher des contrats intéressants dans le spatial. Microtechniciens, ingénieurs thermiques, électroniciens, un nombre de profils variés et de très haute valeur ajoutée entre dans les compétences utiles au domaine. «Tout ce qui a trait à l’impression 3D et à la miniaturisation est extrêmement important dans le spatial, puisqu’il est nécessaire d’avoir des composants légers», explique Gass Volker, directeur du Space Innovation de l’EPFL.

À Renens (VD), SWISSto12 développe et commercialise justement des antennes fabriquées en impression 3D. Créée en 2011 comme spin-off de l’EPFL, d’abord active dans l’implantation scientifique et l’imagerie médicale, SWISSto12 s’est réorientée quatre ans plus tard dans l’aérospatial. «Nous sommes la première entreprise au monde à s’être intéressée à utiliser la technologie de l’impression 3D pour des applications de radiofréquence», explique Emile De Rijk, co-fondateur et CEO de l’entreprise. Les antennes équipent des satellites, permettant d’augmenter la qualité de la communication entre les équipements et avec les équipes au sol.

Ce procédé de fabrication inédit a permis de gagner en liberté dans le design de l’antenne et dans son efficacité, en comparaison avec des pièces généralement usinées de manière très complexe et coûteuse. «Dans le spatial, le combo performance – taille – poids donne beaucoup de valeur ajoutée, commente Emile de Rijk, à l’inverse de la grande distribution où seul le prix est important.» SWISSto12 ne connaît qu’un concurrent utilisant l’impression 3D aux États-Unis, le nombre de brevets que l’entreprise vaudoise a déposés empêchant d’autres acteurs de se lancer dans ce créneau. Parmi ses quarante employés, dont beaucoup d’ingénieurs, SWISSto12 recrute en Suisse mais aussi à l’étranger, pour trouver des profils répondant à des compétences si spécialisées.

La tradition d’industrie de précision que connaît la Suisse l’aide assurément dans ce domaine. Mais si de multiples compétences sont présentes dans notre pays, elles ne sont pas suffisantes, estime Olivier Henin, président du Swiss Space Industry Group (SSIG). «Il y a une pénurie de main-d’œuvre assez problématique au niveau suisse et européen. Peu de filières forment spécifiquement aux métiers du spatial. Il faut alors entre un et trois ans pour former un ingénieur généraliste, moyennant un investissement assez conséquent, et ce pour un projet qui s’étale sur 3 ou 5 ans.»

Dans les deux écoles polytechniques du pays (Lausanne et Zurich), une filière d’études en spatial existe néanmoins, comprenant une trentaine de cours à option. Pour Gass Volker, directeur de Space Innovation à l’EPFL, la formation polytechnique a justement l’avantage de donner aux étudiants un aperçu complet des métiers techniques, leur permettant ensuite de travailler sur n’importe quelle application. «L’environnement spatial est particulier, de par sa gravité, sa température et sa pression, mais l’industrie automobile, maritime, ou médicale, impliquent également un environnement spécifique. De nombreux procédés sont d’ailleurs autant étudiés dans le spatial que dans le médical, comme l’utilisation d’alliages de titane par exemple.»

——————–

Quel avenir pour le tourisme spatial?

Avec la mission «Inspiration4», la société américaine SpaceX envoyait en septembre dernier quatre néophytes dans l’espace pendant trois jours. Cette première historique a ainsi remis sur le devant de la scène la question du tourisme spatial. Anne-Marlene Rüede et Claudio Leonardi, spécialistes en technologie spatiale à l’EPFL, évoquent ce secteur porteur.

Que vous a inspiré le vol de SpaceX?

C’était la première fois que ce type de vol se faisaient avec des non-professionnels et hors du cadre d’une mission, contrairement à ce qu’on avait vu en Russie dans les années 1990. Cette expérience semble cependant positive notamment parce que, comme le disait l’astronaute français Jean-Francois Clervoy: «Si tous les Terriens volaient dans l’espace, ils verraient combien la planète surpasse en beauté tout ce que l’homme a dessiné, peint, construit ou inventé. Elle ferait l’objet de tous leurs soins et les rapports humains en seraient profondément changés.»

La Suisse va-t-elle devenir un acteur du tourisme spatial ?

Le tourisme spatial n’est pas une priorité en Europe où l’on préfère se concentrer sur l’exploration et la recherche. On ignore encore quel sera l’impact de ce tourisme. Il pourrait générer un intérêt et des fonds pour la recherche mais il pourrait aussi capter des ressources voire générer de la pollution. On doit donc se demander comment faire de ce tourisme une opportunité pour développer les avancées scientifiques? Cela nécessiterait peut-être de transformer, dans une certaine mesure, ces touristes en explorateurs.

Verra-t-on bientôt du tourisme spatial sur Mars?

En tant que co-auteurs d’une étude imaginant une implantation humaine sur Mars, nous en doutons… Les voyages aller et retour sur Mars prennent neuf mois. Et on ne peut y rester que trois semaines ou un an et demi avant que les conditions du retour soient réunies. De plus, il faut encore réussir à s’y implanter et donc à se situer proche de la présence d’eau. Aller sur la lune semble plus réaliste. La société Virgin Galatic y songe d’ailleurs déjà…

_______

Retrouvez la deuxième partie du dossier ici.