LATITUDES

«Hibernation» et les autres mots de novembre

Le langage révèle l’époque. Notre chroniqueuse s’interroge ce mois-ci sur l’usage des termes «hibernation», «fixeur» et «hallyu».

Hibernation

Sous nos latitudes, novembre est un mois mal aimé. Certains envient alors les  animaux qui entrent en hibernation et n’ont pas à subir les affres de l’hiver. Et si les humains étaient en mesure de les imiter, sachant que l’Homme de Néandertal aurait survécu grâce à ce mécanisme physiologique fascinant?

De nombreux scientifiques sont actuellement impliqués dans des recherches visant à offrir aux humains les apports d’une hibernation artificielle ou «synthetic torpor», pour des applications tant thérapeutiques que pour des voyages spatiaux. Les traitements des arrêts cardiaques, des accidents cérébraux, des maladies inflammatoires, de l’insomnie ou de l’obésité en tireraient profit. Que de problèmes résolus si les cosmonautes hibernaient durant leur voyage en direction de Mars.

Une contribution écologique s’ajoute-t-elle au nombre des gains à tirer de cette forme de vie entre parenthèses? Sous le titre «Pollution: la seule solution, l’hibernation», Charlie Hebdo préconise ainsi «d’hiberner jusqu’à nouvel ordre».

Fixeur

Qui connaît Bakhtiyar Haddad? Ce Kurde irakien était fixeur, un terme qui désigne un journaliste local qui aide les journalistes étrangers sur le front de guerre. Il sert à la fois d’intermédiaire, d’informateur, d’interprète, de garde du corps, de médiateur, de guide, de chauffeur, d’ouvreur de check-points, etc. Bref, les hommes et les femmes qui en font leur métier travaillent en coulisse au péril de leur vie.

Le public a appris l’existence de Bakhtiyar Haddad lorsqu’il fut fauché par une bombe en 2017 à Mossoul, aux côtés de deux journalistes français. «L’un d’entre eux a reçu la Légion d’honneur, son fixeur, mort avec lui à 41 ans, la méritait tout autant», déplore un correspondant qui s’en était souvent remis à lui. Un autre grand reporter, Benoît Christal, lui rend hommage dans «L’homme qui riait sous les bombes» (éditions du Rocher). Il en fait le héros d’un récit fidèle à la réalité qui pose la question: jusqu’où aller afin d’informer?

Mais pour un fixeur sorti de l’ombre post mortem, combien d’autres subissent en ce moment les retombées, tragiques pour leur avenir, du retrait des forces occidentales d’Afghanistan?

Hallyu

Il y a les vagues que l’on s’apprête à subir, comme par exemple la quatrième annoncée du Covid, et celles, plus agréables, que l’on contribue à créer, telle la «hallyu», littéralement la vague coréenne.

Qui a vu le film «Parasite», les séries «Squid Game» ou «My Name», écoute les groupes BTS ou Blackpink, goûte volontiers du kimchi ou a visité Séoul participe à l’actuelle «hallyu», qui provoque une forte diffusion de la culture sud-coréenne à l’échelle internationale.

L’attractivité fulgurante des produits précédés de la lettre «K» ravit le gouvernement coréen. Pour compenser son absence de «hard power», la Corée a développé depuis une vingtaine d’années une stratégie qui capitalise sur son industrie culturelle et ses retombées: dans la mode la K-fashion, la cosmétique la K-beauty, la gastronomie la K-food. Autre influence plus inattendue: les relations internationales. Ce «soft power» se révèle en effet un outil politique très efficace. Donald Trump peut en témoigner: en 2020, des fans de K-pop étaient parvenus à saboter un de ses meetings en réservant des milliers de tickets pour l’évènement, sans s’y rendre.